Et si l’avenir de l’habitat urbain se construisait en bois ? La question pourrait sembler incongrue à l’heure du tout béton tant chéri par les architectes contemporains. Pourtant, il est maintenant temps de se poser la question d’une alternative sérieuse à ce matériau, qui rappelons-le, génère à lui seul 5 % des émissions de CO2 sur la planète, et pour ne parler que de cette pollution !
Les acteurs du bois se mobilisent
La première édition du Woodrise Congress a eu lieu au mois de septembre 2017 dans la ville de Bordeaux. C’est le congrès international qui a réuni les professionnels de la construction de bâtiments autour du développement de l’architecture avec le bois comme matériau privilégié pour un développement durable des grandes villes. Rassemblé dans l’« Alliance internationale Woodrise », l’évènement réunit plusieurs pays dans le monde, dont la France, le Canada, le Japon, le Brésil…
Le congrès Woodrise avait pour objectif de :
- former une grande communauté des États, des ONG, et des acteurs de la construction dans une conversion de l’utilisation du bois pour réduire l’empreinte écologique ;
- identifier les bonnes pratiques techniques de l’usage du bois dans la construction des immeubles en pleine ville ;
- étendre l’internationalisation de la demande en bois dans les constructions des immeubles en bois pour une évolution du BTP vers le biosourcé ;
- démontrer de manière scientifique les performances des immeubles en bois de moyenne et grande hauteur.
L’air est de plus en plus pollué et les réserves en eau et sable diminuent un peu partout dans le monde. Or, les constructions, à base ciment Ciment Portland, privilégiées dans les grandes villes nécessitent de grandes quantités d’eau, de sable pour le béton, tout en générant d’énormes d’énergie et donc d’émissions de CO2. L’utilisation des matériaux biosourcés, comme le bois, permet de réduire l’empreinte écologique sur la planète, stocke le carbone et offre la possibilité de valoriser les ressources locales de manière responsable.
Plusieurs types de panneaux bois permettent de bâtir des immeubles de faible à très grande hauteur en toute sécurité : le CLT (bois lamellé-croisé) pour la construction multi-étage jusqu’à 10+), le BCL (bois lamellé-collé) très utilisé pour les grandes charpentes, le LVL (le lamibois, Laminated Veneer Lumber) plus léger que le CLT, et utilisé pour les poutres, charpente, planchers…
Les avantages du bois dans la construction d’une tour
Au fil des siècles, le bois a démontré dans la construction ses valeurs et son intérêt. Matériau naturel et biodégradable, suite à de nombreux vestiges retrouvés, il est possible d’affirmer que le bois est pratiquement éternel, pour autant qu’il ait été séché et maintenu à l’abri de l’humidité.
La qualité de la conception et le soin apporté à l’exécution détermineront la longévité d’un ouvrage et permettra de limiter voire d’éviter les attaques biologiques. Le bois participe ainsi du confort thermique, en limitant les ponts thermiques, grâce à sa capacité à absorber et à restituer l’humidité de l’air ambiant.
Pré-fabriqués, les éléments en bois génèrent peu de déchets aussi bien usine, car tout valorisable dans le bois, que sur le chantier, où l’assemblage demande aucun matériau supplémentaire. Ce processus de fabrication permet ainsi de générer quelques économies, sur le montage, et des conditions travail plus favorables.
Côté risques, on reconnaît désormais au bois ses qualités anti-sismiques et son pouvoir de ralentir la propagation au feu, si on respecte quelques règles de conceptions (portes coupe-feu, systèmes IFEA ou Sprinkler, ascenseur sous cage béton, …)
Les défis du bois pour l’avenir
Pourtant, malgré toutes ces qualités, certains lèvent encore quelques doutes, notamment et justement dans le cadre des constructions bois de grande et très grande hauteur.
Pour qu’une construction soit pérenne et génère peu de désordre, il ne faudra pas lésiner sur la qualité du bois (origine et taux d’humidité). Son entretien, ou tout au moins sa mise en oeuvre avant fabrication, ne devra souffrir d’aucune négligence, au risque de se retrouver avec des problèmes d’ajustements, des infiltrations d’air, voire d’une invasion de nuisibles (termites).
Un attention particulière sera prêtée à la gestion des fluides, car toute fuite d’eau pourraient causer des pathologies souvent irréversibles, comme le développement de mérules.
Aujourd’hui, ces systèmes constructifs ne disposent pas d’avis techniques, ce qui peut engendrer chez certains assureurs des réticences et donc des défauts de garantie.
Au niveau sociétal, du chemin reste à parcourir pour convaincre les potentiels acheteurs d’investir dans le bois. Une étude commanditée par Adivbois auprès d’un échantillon de 1500 personnes révèle qu’à priori, seuls 14% n’y voient aucun obstacle. Cela étant, après qu’on leur a présenté des planches didactiques, pas moins de 60% se déclarent favorables à un investissement de ce type. Les promoteurs devront dont se préparer à un gros travail de communication pour espérer boucler leurs opérations.
Au point de vue environnemental, et de manière générale pour tous ces types de construction, il restera à gérer les problématiques de préservation de la biodiversité et, plus compliqué encore, de mise en place des règles bioclimatiques, pour bénéficier des avantages du solaire passif, pour limiter les besoins en énergies primaires (pour l’éclairage, l’eau chaude ou le chauffage).
De nombreuses interrogations restent donc à traiter, surtout qu’il faut aussi prendre en compte les conséquences du réchauffement climatique dont on a encore des difficultés à connaître l’impact selon les pays. Les retours d’expérience seront attendus tout en espérant qu’ils pourront se traiter indifféremment selon les régions du monde.
Enfin, ce qui reste complètement paradoxal, est que la France dispose de la ressource la plus importante de résineux en Europe, mais sa compétitivité (du fait de l’étalement géographique et de la mauvaise accessibilité des forêts) est très mauvaise. Le pire est qu’on devrait manquer dès 2030 de bois en France. On lui préfère donc du bois scandinave plus abordable mais au bilan carbone peu recommandable. Une politique nationale en faveur de la filière sylvicole s’impose…
Quelques-uns des projets les plus emblématiques de grands bâtiments en bois et des gratte-ciel dans le monde entier.
3 tours construites en bois ou en cours :
Comme vous le constatez sur le tableau ci-dessous, les projets de grands ensembles sont encore rare, mais on trouve déjà quelques immeubles en bois de moyenne hauteur déjà ou en cours de construction dans le monde.
En France 3 tours sont actuellement en construction :
- Le projet Hyperion (R+17 – 57 m) par l’architecte Jean-Paul Viguier et Eiffage Immobilier à Bordeaux (FR-33), (vidéo)
- Le projet Sylva (55 m – 18 étages) par l’architecte Art & Build et Intégrale bois système à Bordeaux (FR-33)
- Le projet l’îlot Bois (2 tours R+8 et R+11)par Koz Architectes et ASP Architecture à Strasbourg (FR-67)
D’autres sont en projet un peu partout sur le territoire, mais nous allons nous arrêter sur ces 3 exemples terminés ou en cours de l’être dans le monde.
L’édifice en bois massif le plus élevé au monde
Cet immeuble en bois massif est une résidence étudiante de l’Université de la Colombie-Britannique à Vancouver. Le bâtiment est le plus haut structure en bois à ce jour dans le monde. Il a été conçu par Acton Ostry Architects et s’élève à une hauteur de 53 mètres accueillant 404 étudiants répartis sur 18 étages. Les techniques de construction et de planification ont permis d’achever en 70 jours seulement le bâtiment après la préparation des composants préfabriqués.
(plus d’infos – eng)
Un immeuble en bois avec une excellente performance énergétique
Cet immeuble en bois a été réalisé en Norvège dans la ville de Bergen par les architectes d’Artec AS. Les Norvégiens ont une longue histoire dans la construction des maisons en bois. Il était tout à fait normal que la décision soit prise de construire un immeuble modulaire en utilisant les techniques de préfabrication. C’est un immeuble résidentiel de 14 étages qui fait 52,8 mètres de haut composé de 62 appartements.
(plus d’infos – eng)
La Tour Origine qui repousse les normes du bâtiment
Cette Tour de 13 étages, commencée en juin 2016, exclusivement en bois massif n’est pas encore achevée. Sa construction avait pris du retard et pour cause, le maître d’ouvrage doit faire approuver les techniques de construction utilisées par la Régie du bâtiment du Québec à chaque étape du projet. Ici, les tests au feu ont été particulièrement drastiques. Ces tests n’ont jamais atteint les seuils critiques, ce qui prouve que le bois est un matériau fiable qui résiste au feu. Réalisé par le consortium NEB (EBC, Nordic Structures bois et Synchro Immobilier), Condos Origine offrira 92 logements dans un écoquartier qui comptera 350 unités.
FutreMag s’instéressait déjà au sujet en juin 2016 sur Arte
Le bois est un excellent matériau pour la construction de par sa légèreté et ses capacités thermiques. Économiquement viable, car le plus gros de sa conception se fait en usine, il représente une méthode de construction tout à fait respectueuse de l’environnement, lorsqu’il est couplé à une gestion durable des forêts. Reste toutefois à valider quelques éléments techniques et se poser surtout la question de l’intérêt de construire des immeubles de grande hauteur !?
Bjr, merci de cet article très intéressant. Un point n’est toutefois pas abordé : le coût. Est-ce moins cher de construire des immeubles en bois ?
merci de vos info à ce sujet
Bonjour Eric,
Tout est relatif en matière de coût : sur la rapidité de mise en oeuvre, sur la durée de vie du projet, sur la recyclabilité des produits, sur les performances énergétiques (exploitation), …
Il ne faut plus raisonner à court terme quand on construit. et incontestablement sur tous ces critères, le bois a une longueur d’avance.
Bonjour Pascal, bonjour Eric,
Soit, pour comparer les coûts, le mieux est de se baser sur un coût moyen annuel par m2 dans les deux cas, en tenant compte de tous les critères comme par exemple durée de vie du bâtiment, entretien, démolition, retraitement, … Ce qui demande un travail de recherche important.
Pascal, quels sont les traitements que subissent les structures bois pour ces constructions ?
Lorsqu’on a un bâtiment de 53 m de haut, les pressions engendrées sur les structures basses deviennent énormes si l’on veut, en plus du poids des structures, avoir 150 kg/m2 de charge sur les planchers. Je doute qu’un simple bois puisse accepter ces pressions, ou alors la structure n’est pas réalisée en bois uniquement.
@Alain : il est compréhensible de douter de la solidité de ces structures, mais soyez assurez que si aujourd’hui on l’autorise, les ingénieurs et bureaux d’étude le validant ont pris toutes les précautions sur la faisabilité. Or aujourd’hui les derniers matériaux utilisés (comme le CLT ou le BCL) sont tout à fait adaptés et ont fait leur preuve sur nombre d’autres bâtiments.
Et si le béton a longtemps été adulé pour sa résistance, côté durabilité, on n’a pas finit d’entendre parler de problèmes dans les années à venir, notamment sur des ponts ou barrages !
Il n’existe donc pas de matériau parfait, il faut surtout proposer des solutions pertinentes et certainement éviter la construction de ces grands immeubles, source forcément de problème à l’avenir.
Je comprend pourquoi les chênaies dont le bois part à l’exportation, en Chine notamment, sont remplacés par des résineux qui plus tard pourront être exploités par l’écoconstruction du fait d’une croissance rapide en 30 ou 40ans contrairement au chêne notamment et qui vit bien plus vieux. Mais un vieux chêne est source d’une très grande biodiversité que ne fournissent pas de jeunes arbres, d’autres part la résistance aux sècheresses est meilleur avec un arbre plus vieux au réseau racinaire plus important et qui développent des échanges nutritionnelles et info en ce qui concerne les parasites par sécrétion de substances insecticides de l’écorce avec ses voisins directement ou indirectement avec le réseau mycélien (champignons souterrains). Avec les changements climatiques, notons qu’une forêt de chênes limite mieux par entrecroisement du branchage les mouvements des arbres sous l’effet d’un vent fort, que l’enracinement du chêne est profond en sous sol, étalé chez le sapin, et donc le risque de déracinement plus important avec le sapin de même les résineux brûlent facilement contrairement aux vieux chênes qui résistent bien aux incendies. Sans compter que je fais partie des amoureux des feuillus! Ne craignez vous pas que cet « éco construction voit un peu plus les résineux s’étendre au détriment des feuillus?