Quand on parle d’habitat alternatif, souvent, le premier mot qui nous vient à l’esprit est la yourte. Utilisée par les mongols d’Asie centrale depuis des siècles, ce mode de logement, mobile, est avant tout un style de vie choisi. Voici une présentation de cet habitat léger, ses origines, la législation en vigueur, ses avantages et inconvénients.
L’étymologie du mot est d’origine turque yurt. C’est une habitation familiale, très utilisée dans la steppe mongole, qui comprend une pièce unique autour d’un poêle. On y trouve plusieurs lits qui servent de sièges pendant la journée, armoire et/ou commode, une table basse où est posée la nourriture. La seule ouverture est la porte d’entrée, à l’opposé de laquelle se situe traditionnellement le lit du chef de famille.
Un peu d’histoire
On retrouve des traces de yourte dans toute la steppe eurasienne, entre Kirghizstan, au Kazakhstan au Karakalpakistan mais aussi au Turkménistan, en Afghanistan, en Iran, en Ouzbékistan et bien sûr en Mongolie.
La découverte du feutre a permis aux premiers nomades d’isoler facilement et efficacement leurs maisons, posant les fondations des habitations qui deviendront les premières yourtes.
Cet habitat propice à un peuplement nomade épars depuis l’Oural à la mer Caspienne, par des chasseurs-cueilleurs, puis des éleveurs, à mesure du retrait de l’inlandsis couvrait le nord du continent jusqu’à la fin de la dernière période glaciaire.
Les premières traces de Yourte auraient été laissées par les pasteurs semi-nomades de la culture d’Andronovo, peuple indo-européen, éleveur de chevaux, vers la fin du IIIe millénaire av. J.-C, dans toute cette steppe eurasienne. Jusqu’au XIIIe siècle, ces yourtes mobiles étaient spacieuses, la largeur entre les roues d’un attelage pouvant aller jusqu’à six mètres.
À partir du Moyen Âge, la yourte est devenue plus légère et plus mobile, le changement structurel le plus perceptible étant au niveau du toit, qui avait précédemment une encolure haute et pointue contrairement au toit en forme de dôme de la yourte moderne.
Bien que depuis la seconde partie du XXe siècle, la Mongolie se soit fortement urbanisée, plus d’un million de Mongols continuent à vivre dans leur habitat traditionnel, que ce soit les nomades à la campagne ou les habitants permanents des villes et villages.
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Un habitat de plus en plus sédentaire
Si ce mode d’habitat a longtemps été mobile, pour déplacer le bétail sur les terres fertiles, aujourd’hui il est possible d’imaginer la yourte dans de nombreuses configurations : avec une mezzanine à l’intérieur, avec une deuxième porte, avec des fenêtres, ouvrantes ou non, avec du double vitrage, avec un dôme plexiglas, …
La forme de la yourte inspire nombre d’architectes et de constructeurs dans la réalisation d’habitat contemporain. De nouveaux matériaux, comme le bois, sont désormais utilisés pour sa forme circulaire très appréciée notamment des géobiologues, et amateurs de feng shui.
Quelques exemples :
Un peu de réglementation
De manière générale :
Depuis le 1er juillet 2015 et la loi Alur, le statut juridique des yourtes est défini comme suit : « résidences démontables constituant l’habitat permanent de leurs utilisateurs ». Considérée comme une habitation légère de loisirs, HLL, cela en fait une habitation soumise au code de l’urbanisme, dans le cadre de l’article L421-1. Ainsi les conseils municipaux ont la possibilité de définir dans le PLU, des zones (pastilles) où ces résidences démontables peuvent être installées.
La Yourte tente
Installation de moins de 8 mois :
Une yourte simple peut être considérée comme une tente si :
- elle fait moins de 35 m²,
- elle est amovible et transportable facilement, l’installation est complètement réversible,
- ne contient pas d’installations sanitaires ni de cuisine,
- n’est pas raccordée aux réseaux collectifs (eau, électricité, assainissement),
- le plancher de la yourte ne dépasse pas 60 cm hors sol et ne comporte pas de fondation.
Dans ce cas, elle peut être placée partout où le camping n’est pas interdit, avec l’autorisation du propriétaire.
Installation supérieure à 8 mois :
Le code l’urbanisme (L 444-1) prévoit désormais les formalités suivantes:
- La yourte fait < 40m², une déclaration préalable est suffisante
- Si vous installez plus de 2 yourtes créant une surface habitable cumulée supérieure à 40 m², un permis d’aménager est nécessaire
Si le terrain n’est pas raccordé aux réseaux publics, le demandeur joint à son dossier une attestation prouvant que son habitat est autonome vis-à-vis des réseaux publics.
La Yourte contemporaine
Dès lors que la yourte ne rentre pas dans les critères de la tente, elle s’assimile alors à une construction nouvelle et entre dans le champ réglementaire du code de l’urbanisme :
– yourte de moins de 20m², assimilée à une construction nouvelle, il faut alors faire une déclaration préalable de travaux.
– yourte de plus de 20m², assimilée à un HLL (habitat léger de loisir), vous devrez donc demander un permis de construire.
– au delà de 50m², la demande de permis de construire doit satisfaire à la RT 2012 (réglementation thermique 2012) ARRÊTÉ du 11 décembre 2014.
A noter, si vous comptez ajouter un plancher :
– Pour un plancher sans fondation à moins de 60 cm de haut vous êtes dispensé de formalité
– Pour un plancher à plus de 60cm de haut ou bien une terrasse en béton:
- vous demanderez une déclaration préalable de travaux pour une surface de 5 à 20 m²
- vous demanderez un permis de construire au delà de 20 m²
Le cas du permis précaire
Un permis précaire peut être accordé à titre exceptionnel à une construction normalement soumise à formalité au titre du code de l’urbanisme, qui ne satisferait pas aux dispositions réglementaires. Le permis doit être demandé en mairie par la personne qui souhaite en bénéficier et elle doit préciser les motivations justifiant le caractère exceptionnel. La demande est instruite dans les mêmes conditions et selon les mêmes modalités que tout autre permis de construire. S’il est accordé, il peut préciser une date limite à l’issue de laquelle la construction doit être démontée. Ce délai est obligatoire dans certains cas. Le terrain doit pouvoir être remis à son état initial. La construction semble, d’après la jurisprudence, devoir revêtir un caractère évident de précarité.
Source Code l’urbanisme Article L433-1 à L433-7
Contraintes minimales
Quelque soit le projet et le cas de figure, un minimum de contraintes sont à respecter concernant l’hygiène et la sécurité :
- assainissement, eau et électricité : si le projet n’est pas raccordé aux réseaux publics, il faut démontrer que ces points ont été traités, que l’accès à l’eau potable, l’assainissement des eaux usés et une fourniture minimale en énergie permet de garantir un habitat salubre et respectant les règles d’hygiène.
- l’accès au terrain doit permettre aux secours de se rendre sur place.
- l’entretien du terrain prend en compte les risques de feux de forêts.
Fiscalité
Après de nombreuses années de tergiversations, le ministère des finances a tranché sur le cas de la fiscalité de la yourte, désormais soumise à la taxe foncière sur les propriétés bâties et à la taxe d’habitation.
Pour la première taxe, il suffit que la yourte soit considérée comme fixée au sol « à perpétuelle demeure« . Ce sera le cas si elle est posée ou arrimée sur des socles en béton plantés au sol. Elle devra également être raccordée aux réseaux publics de distribution d’eau, d’assainissement et d’électricité.
Pour la taxe d’habitation, il suffit que la yourte soit meublée de façon à la rendre habitable à tout moment dans des conditions normales de confort similaires à celles d’un logement classique en dur.
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Les avantages de la yourte
Pour comprendre un peu mieux l’intérêt de construire une yourte, voici une liste, non exhaustive, des avantages de ce mode d’habitat.
Son coût de construction
On peut difficilement faire une construction plus économique. Généralement, de faibles dimensions, de 10 m² à 90 m² pour la surface au sol et de 1,60 m à 2,60 m pour la hauteur des murs, le choix des matériaux est assez limité par rapport à une habitation conventionnelle : armature en bois (bambou idéalement, roseau, mélèze, douglas, chêne ou châtaigner), les portes et fenêtres, quelques variétés de toiles, et d’isolants et c’est à peu près tout (hors la dalle et la décoration). Pensez toutefois qu’il faudra prévoir un mode de chauffage, éventuellement à un raccordement l’électricité et au réseau d’eau et d’assainissement, sauf si vous choisissez l’auto-suffisance, auquel cas, l’investissement des équipements sera également à budgéter.
On peut ainsi se construire sa propre yourte à partir de 300€. Les tarifs varient, par ailleurs, en fonction de la qualité des produits et de leur origine (les françaises étant les plus chères) de 2.500€ à plus de 40.000€ pour les plus grandes, et éligibles à la RT2012.
Quelques conseils vidéo sur la chaîne Youtube d’Olivier
Son faible impact sur l’environnement
Comme ce type de bâtiment demande peu de matériaux, il impacte logiquement peu sur son environnement, sauf si on l’importe de Mongolie ! Démontable et léger, il laissera peu de trace lors de son déménagement.
Le plus souvent installé dans des coins reculés, on lui privilégie l’auto-consommation pour l’eau, l’électricité, on lui installe un chauffage au bois et on prévoit un jardin potager pour s’alimenter. Un mode de vie simple qui demande peu de ressources.
La connexion avec la nature
On choisit généralement ce mode de construction pour être en contact direct avec la nature, proche de la forêt, face à des montagnes ou au bord d’une rivière. Loin des tumultes de la ville, la yourte s’intègre discrètement au paysage et se camoufle facilement avec un peu de végétations autour.
Un habitat mobile
L’une de ses principales particularités, à l’origine, est de pouvoir se monter et démonter rapidement à deux personnes. Une fois démontée, les éléments de la yourte prennent peu de place. La décoration, le mobilier et les divers aménagements intérieurs et extérieurs seront certainement les pièces les plus encombrantes lors du déménagement.
Une autoconstruction facile
A l’origine la yourte étant un habitat mobile, elle a donc été conçue pour être montée avec une facilité déconcertante. Généralement, pour une yourte de capacité moyenne, compter 2 à 3 heures de montages. Prévoir toutefois de le faire par temps sec et sur un terrain desséché.
Son entretien accessible
Au niveau de l’entretien, nul besoin de faire appel à des professionnels comme pour les habitations classiques. Dans le cas des yourtes, les bricolages ou réparations, sont souvent d’une grande simplicité, de telle façon qu’elles peuvent être effectués par l’habitant lui-même.
Relativement simple à chauffer
Pour chauffer sa yourte, il existe diverses solutions de chauffage plus ou moins écologiques et éventuellement éligibles au crédit d’impôts : poêle à bois (le plus usité), poêle à granulés, aérothermie, éventuellement des convecteurs électriques.
Attention, l’installation d’un poêle répond à des normes très précises et ne doit être effectuée que par un spécialiste hautement qualifié.
Les bénéfices de sa forme circulaire
Cette forme ronde offre l’avantage de bénéficier des apports solaires passifs (ou bioclimatiques), c’est à dire la possibilité de réchauffer la yourte grâce aux rayons du soleil en hiver. Il faudra prévoir dès son implantation une bonne orientation pour exploiter au maximum ces apports solaires.
Cette forme s’approche de la sphère : le plus grand volume intérieur disponible pour la plus faible surface de peau extérieure.
En géobiologie ou feng shui, les formes rondes sont très bénéfiques à la gestion des ondes. Plus les formes seront arrondies, moins les effets nocifs des ondes de forme et des champs de forme, éventuellement générés, seront ressentis par les êtres vivants.
Son éclairage naturel
Le dôme transparent situé au sommet de la yourte apporte une luminosité conséquente. L’éclairage apporté par une fenêtre de toit est considéré comme 4 fois supérieur à la même surface de vitrage sur un mur vertical. Le dôme amène donc, grâce à son puits de lumière de 1,5 m2, autant de lumière que 6 m2 de vitrage. Il est bien souvent la source la plus importante de luminosité. L’éclairage est surtout indirect. Si une mezzanine est présente, située à l’ouest du centre, elle sera plus éclairée le matin, située à l’est du centre, elle sera plus éclairée l’après-midi.
Juridiquement légale
La yourte jouit désormais d’une reconnaissance légale. La loi Alur, avec son décret n°2015-482 du 27 avril 2015 définit notamment la notion de « résidence démontable constituant l’habitat permanent de leur utilisateur »
Il faudra toutefois bien distinguer la yourte temporaire (ou “Tente” ou implantée pour moins de 3 mois) de la yourte contemporaine (destinée à la sédentarité). Reportez-vous à notre paragraphe sur l’aspect légal ci-dessus.
Une taxation obligatoire mais allégée
Si le propriétaire de yourte est soumis aux impôts locaux, la valeur cadastrale des biens sur laquelle les taux d’impôts locaux sont appliqués est difficile à déterminer. Le cadastre doit, en effet, appliquer une grille d’évaluation d’une complexité ubuesque prévue pour les seuls immeubles bâtis. Du coup, la valeur qu’il détermine est souvent faible et les impôts moins élevés que pour un bien équivalent bâti.
Les inconvénients d’une yourte
Si la vie en yourte est une solution idéale pour les écologistes puristes, quelques témoignages confirment qu’elle présente certaines contraintes qu’il vaut mieux appréhender avant de se lancer dans l’aventure.
Ses aspects juridiques compliqués
Bien que sa reconnaissance légale soit officialisée par le décret n°2015-482 du 27 avril 2015, il n’en reste pas moins que l’installation d’un yourte reste compliquée en fonction du temps d’implantation, du terrain, de sa dimension et du terrassement. Reportez-vous au paragraphe sur l’aspect légal, mais surtout renseignez-vous bien auprès du service d’urbanisme de votre collectivité (mairie, communauté de communes).
Des performances thermiques déplorables
La principale faiblesse des matériaux d’une yourte est leur manque d’inertie, c’est à dire leur capacité à garder la chaleur après extinction du chauffage. Il faudra donc chauffer en permanence, ce qui au, global, est non seulement loin d’être écologique, mais aussi relativement inconfortable.
Mais quel isolant pour augmenter les performances thermiques d’une yourte ? Certains fabricants proposent des matériaux d’isolation alternatifs au feutre d’origine, comme des feutres en laine de mouton par exemple.
Nous déconseillons les isolants minces réflecteurs, produits anti-écologiques par leur nature et d’une efficacité toute relative. Pensez à isoler également le plancher, source importante d’infiltration d’air. Ces épaisseurs contribueront également à une diminution de la taille intérieure et à un surpoids lors d’un déménagement à prévoir.
Des performances acoustiques inexistantes
La yourte a également une isolation phonique très médiocre : l’isolant assourdit les bruits mais ne les atténue pas. De l’extérieur, il est possible d’entendre une discussion à l’intérieur, sans pouvoir la comprendre. La pluie, le vent, l’orage et, peut-être pire, tous les bruits extérieurs s’entendent parfaitement de l’intérieur.
La laine de mouton peut contribuer à l’atténuation du bruit, sans être d’une grande efficacité.
Sa durabilité très précaire
Les toiles venant de Mongolie sont assez vulnérables à l’humidité. Il est préférable se fournir chez des fabricants français qui connaissent bien cette faiblesse. Par ailleurs, la toile extérieure de la yourte a une durée de vie très courte et il est conseillé de la changer tous les 5 ans.
La structure légère de l’habitation demande une attention particulière. Il faut donc la protéger de l’humidité et des rayons du soleil (Uv) pour la préserver.
Son intégration sociale avec l’environnement
La nature humaine est, quelquefois, surprenante, certains habitants de yourte témoignent de la méchanceté du voisinage qui n’apprécie pas la présence de yourte dans le secteur. Il faut donc avoir la patience, la sagesse et le calme pour y faire face.
Son manque de confort et son aménagement limité
Quand on choisit la yourte comme mode d’habitat, il faut se rendre à l’évidence, le confort sera spartiate : les sanitaires souvent à l’extérieur, le raccordement à l’eau et l’électricité possible mais pour que la sécurité soit correcte, le chauffage et surtout son évacuation (poêle) demanderont une attention particulière.
Si la forme ronde présente quelques avantages, elle limite toutefois grandement les possibilités d’aménagement et d’intégration de certains mobiliers ou de pièce. Avec un peu d’imagination et d’huile de coude, on peut tout de même faire des merveilles …
Son manque d’intimité
Plus l’espace est réduit, plus il est compliqué d’aménager des espaces de vie personnelles. Vivre à plusieurs dans une même pièce n’est plus très courant dans nos contrées occidentales et demande donc de revoir l’organisation quotidienne, la relation avec les autres. Quand on n’a pas vraiment été habitué à ce mode de vie, il faut donc s’y préparer et le prévoir dans l’aménagement de la yourte.
Il est possible de juxtaposer une ou deux autres yourtes de plus petites tailles pour ainsi ajouter une chambre et des sanitaires (salle de bains et toilettes).
Sa vulnérabilité
Sachant que nous vivons dans un monde où la sécurité est de moins en moins garantie, il ne faut pas oublier qu’une yourte est plus fragile qu’une habitation dite classique et y accéder ne demande pas de grands efforts, la détruire non plus. Difficile d’envisager de longues vacances loin de son habitation si elle se trouve dans un environnement accessible pour toute effraction.
Si on ne peut malheureusement pas améliorer la sécurité de la structure, il est possible d’envisager quelques parades : chien, caméra, clôture, végétalisation. Cela n’empêchera pas vraiment les malfrats mais limite les possibilités.
Si la yourte peut s’avérer un habitat original et écologique pour du tourisme, son choix s’avère plus compliqué pour une vie de famille. Elle peut être un bon mode de logement alternatif et provisoire qu’il faut appréhender avec beaucoup de sagesse tant dans les aspects juridiques, sociaux que pour le volet pratique pour un projet à plus long terme. Mais comme le suggère Apolliona « Rien n’est impossible à qui veut fermement. » (1515)
Pour aller plus loin
Témoignages de Florence Matton qui a auto-construit et vit dans sa yourte depuis plus de vingt ans :
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Quelques sources :
- Wikipedia
- Fabriquer sa yourte
- Atelier de fabrication : Yourtes.net
- Importateur de yourte mongole
- Dormir dans une yourte en France
Photos :
Tableau Pinterest de Build Green