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Qu’est-ce que les termites peuvent nous enseigner sur le rafraîchissement des bâtiments ?

Le chercheur Kamaljit Singh, ingénieur à l’Imperial College de Londres a déclaré : « Nous pensons que les humains sont les meilleurs concepteurs, mais ce n’est pas vraiment vrai ». Dans la capitale du Zimbabwe, un bâtiment appelé Eastgate Centre de près de 32 516 m2 abrite des bureaux et des magasins. Il consomme 90 % moins d’énergie qu’un bâtiment de taille similaire voisin.

Quel est le secret du Centre Eastgate ? Les termites

Dans les années 1990, Mick Pearce, l’architecte de l’immeuble, s’est inspiré des termitières construites par des termites champignons qu’il a vues dans la nature. Les insectes ont pu créer leurs propres systèmes de climatisation qui faisaient circuler l’air chaud et l’air frais entre le monticule et l’extérieur.

Le système de climatisation du Centre Eastgate à Harare, Zimbabwe, inspiré par les nids de termites. © David Brazier, Wikimedia Commons

Alors que les architectes et les constructeurs cherchent des moyens innovants pour refroidir les bâtiments sans utiliser plus d’énergie dans un monde qui se réchauffe, une étude d’un autre type de termitière suggère que M. Pearce ne sera pas le dernier être humain à prendre des conseils de design chez les insectes.

Les termitières : un système complexe de ventilation naturelle

Singh et ses collègues ont utilisé une technologie de balayage à haute résolution et des simulations informatiques pour examiner la structure microscopique des parois externes des nids de termites africains. Dans des dalles qui paraissent solides à l’œil nu, l’équipe a trouvé un réseau de pores minuscules et interconnectés. Grâce aux principes de base de la physique, ces pores régulent la ventilation, l’humidité et éventuellement la température à l’intérieur du monticule et du nid. Ces structures naturelles peuvent être une source d’inspiration pour les ingénieurs et les constructeurs.

Il y a environ 2 600 espèces de termites, et seulement une vingtaine infestent et détruisent les bâtiments. Beaucoup d’entre eux sont des bâtisseurs sociaux avec pour intérêt de protéger leurs reines et d’assurer la survie de leurs colonies.

Un soldat de Trinervitermes geminatus ou termite de moissonneuse. © Jost, CRCA, CBI, CNRS, Toulouse

Pour que cela soit possible, le dioxyde de carbone doit s’échapper pour qu’ils n’étouffent pas dans leurs nids souterrains, et l’oxygène doit entrer. Les monticules construits au-dessus des nids sont les poumons qui rendent cette respiration possible.

Mais il existe différents types de monticules. Les termites, champignons de la ferme, construisent des structures avec des cheminées et des ouvertures qui fonctionnent comme des fenêtres. Les structures des termites non agricoles, comme celles que les chercheurs ont collectées au Sénégal et en Guinée, n’ont pas d’ouvertures apparentes. À l’œil nu, « tout semble bloqué », précise le Dr Singh.

Mais les pores sont bien là, parce que les monticules sont faits de granules de sable empilés mélangés à de la terre et de la broche. Grâce aux scanners micro-CT, l’équipe a observé plus en profondeur l’intérieur des termitières avec une plus grande résolution. Cela a révélé les liens entre les pores plus petits et les pores plus gros. Il s’avère que c’est la structure et non les matériaux (sable sec ou argile) qui pourrait être la clé de la ventilation.

Une leçon de construction écologique pour les architectes et constructeurs

Lorsque l’équipe a imité des vents forts dans des simulations, les structures sans les pores plus grands ne pouvaient pas respirer aussi bien et accumulaient plus de dioxyde de carbone. Les chercheurs ont également trempé les parois des monticules dans l’eau pour imiter les fortes pluies. La structure à grands pores s’est asséchée plus rapidement.

On comprend mieux pourquoi Dr Turner affirme : « si vous regardez la physique de l’échange gazeux dans les poumons, c’est à peu près de la même façon que la termitière est organisée »

Nid de termites, de gauche à droite, une photo du nid, une tomographie de l’intérieur du nid et les réseaux de galeries qui s’y trouvent. © G. Theraulaz, CRCA, CBI, CNRS, Toulouse

L’équipe pense aussi que les pores peuvent aider à réguler la température. Pourtant, on ne sait pas exactement comment les termites travaillent ensemble pour construire ces structures. Ils pourraient coordonner leurs actions grâce à la synergie, une sorte de système de communication indirecte ou un signal chimique qui indique aux termites aveugles quand construire.

Les termites ne veulent pas d’un environnement hermétique. Ils veulent que l’air circule dans leur bâtiment. Or, les constructeurs se concentrent généralement sur la ventilation mécanique, le chauffage et le refroidissement lesquels consomment du combustible, plus facile à contrôler. Les bâtiments écologiques sont généralement à plus petite échelle, car le confort humain est difficile à obtenir dans de grands espaces.

Singh et ses collègues espèrent que les études futures sur les nids d’autres espèces de termites révéleront des principes de conception qui pourront être exploités par les humains. Et comme le montre Eastgate Centre, les bâtiments inspirés par les termites n’ont pas à ressembler aux termites qui les ont construits.

Il ne s’agit donc pas de copier les formes dans la nature, mais plutôt de copier le processus qui a créé cette forme.

 

 

Notre avis : se servir de l’expérience de la nature et des animaux pour l’adapter à l’homme, on appelle cela le biomimétisme. Ce cas est vraiment symptomatique de la potentialité de cette science en développement un peu partout dans le monde. L’autre particularité de ces nids de termites est sa pertinence écologique : les termites ne produisent pas d’énergie, il leur faut donc créer une architecture qui puisse être confortable tout en étant étanche à l’air et à l’eau ! Attention que ces technologies ne deviennent pas des usines à gaz énergivores à concevoir, produire, exploiter et surtout recycler.

 
Crédit Photos : © nytimes.com, CNRS, Wikimedia Commons

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Editeur et Rédacteur en chef de Build Green, le média participatif sur l'habitat écologique et pertinent. Passionné par le sujet de l’éco-construction depuis 2010. Également animateur de nombreux réseaux sociaux depuis 2011 et d'une revue de web sur : Scoop.it