Plus de la moitié des 7,8 milliards d’habitants de la planète vivent dans des villes et des zones urbaines. D’ici 2050, 2,5 milliards de personnes supplémentaires y vivront. Alors que ce chiffre continue de grimper, la grande question est la suivante : comment faire pour que tout le monde s’y retrouve ?
[Traduction de l’article de et sur The Conversation]
C’est aux promoteurs et aux urbanistes qu’il incombe de trouver comment construire ou adapter les environnements urbains pour répondre aux besoins de vie et de travail de cette population en pleine expansion. La croyance populaire veut que les gratte-ciel plus hauts et plus denses soient la solution, car ils optimisent l’utilisation de l’espace, permettent de loger plus de personnes au mètre carré tout en limitant l’étalement urbain.
Mais compte tenu des engagements mondiaux en faveur des objectifs de réduction des émissions et de l’atténuation du changement climatique, cette solution est-elle la plus durable du point de vue de la réduction des émissions de carbone ?
Notre récente étude, qui s’est penchée sur la question de savoir si la construction de bâtiments plus denses et plus hauts est la bonne voie vers la durabilité, a mis fin à ce mythe : nous avons constaté que les environnements construits de manière dense et de faible hauteur sont plus efficaces en termes d’espace et de carbone, tandis que les bâtiments de grande hauteur ont un impact carbone nettement plus élevé.
Impact sur l’environnement
Nous avons évalué le cycle de vie complet des émissions de carbone – c’est-à-dire le carbone opérationnel et le carbone « incorporé » – de différents bâtiments et environnements urbains. Le carbone opérationnel est généré lorsqu’un bâtiment est en service.
Le carbone intrinsèque est le carbone caché, produit dans les coulisses, lors de l’extraction, de la production, du transport et de la fabrication des matières premières utilisées pour construire un bâtiment, ainsi que lors de l’entretien, de la rénovation, de la démolition ou du remplacement.
Cet aspect est souvent négligé, notamment lors de la conception des bâtiments, où l’efficacité opérationnelle est toujours au premier plan. L’argument en faveur de la réduction des émissions de carbone au stade de la conception a été avancé par de nombreux chercheurs et gagne du terrain auprès d’organisations internationales de premier plan telles que le World Green Building Council.
Mais il est encore largement ignoré, principalement parce que l’évaluation de l’impact intrinsèque est volontaire et qu’il n’existe aucune législation concernant son inclusion. Elle doit pourtant être défendue si nous voulons atteindre nos objectifs en matière d’émissions pour 2050.
À l’échelle mondiale, le secteur de la construction est responsable d’un impact important sur l’environnement, comme le montre clairement le graphique ci-dessous.
La contribution la plus importante provient de sa consommation d’énergie et de ressources, qui se résume à la phase de conception, la partie du processus que personne ne regarde.
Maintenant que les nouveaux bâtiments doivent être plus efficaces sur le plan énergétique et que le réseau énergétique est en cours de décarbonisation, cette énergie intrinsèque cachée varie de 11 % à 33 % pour des projets tels que les maisons passives. De 74 % à 100 % pour les constructions à énergie quasi nulle (bâtiments à haute performance où la faible quantité d’énergie requise provient principalement de sources renouvelables).
L’accent étant mis sur la réduction de l’impact énergétique des opérations quotidiennes, la part proportionnelle de la consommation d’énergie intrinsèque a augmenté. Ainsi, alors que la demande d’énergie diminue lorsque le bâtiment est utilisé, les matériaux et les activités nécessaires à sa construction produisent proportionnellement plus d’impacts tout au long de sa durée de vie.
Par exemple, les bâtiments à énergie faible ou quasi nulle sont construits en améliorant l’isolation et en utilisant davantage de matériaux et de technologies supplémentaires, ce qui augmente considérablement l’impact énergétique caché et le coût du carbone.
À plus petite échelle, la part de carbone incorporé dans les matériaux de construction montre que les minéraux ont de loin la plus grande proportion, soit 45 %. Le graphique ci-dessous montre la répartition des matériaux, où le béton domine en termes de contribution cachée au carbone.
Ce point est important, car les gratte-ciel font largement appel au béton comme matériau structurel. Le type de matériaux que nous utilisons, la quantité que nous utilisons et la manière dont nous les utilisons sont donc cruciaux.
Comment nous pouvons y remédier ?
Nous avons élaboré quatre scénarios urbains différents, illustrés dans le graphique ci-dessous, sur la base de données provenant de bâtiments réels. Il s’agit des immeubles de grande hauteur à haute densité (HDHR), hauts et rapprochés ; les immeubles de grande hauteur à faible densité (LDHR), hauts mais plus étalés ; les immeubles de petite hauteur à haute densité (HDLR), bas et rapprochés ; et les immeubles de petite hauteur à faible densité (LDLR), bas et plus espacés.
Pour ce faire, nous avons divisé le parc immobilier en cinq catégories principales : les immeubles bas non domestiques (NDLR) ; les immeubles hauts non domestiques (NDHR) ; les immeubles bas domestiques (DLR) ; les immeubles hauts domestiques (DHR) ; et les maisons et terrasses.
Nous avons recueilli de nombreuses données, dont la hauteur, le nombre d’étages, l’emprise au sol du bâtiment, le matériau de façade et les contraintes de voisinage. Il s’agit notamment du nombre et de la superficie des îlots et des espaces verts dans un kilomètre carré, de la largeur moyenne des rues et de la distance moyenne entre les bâtiments.
Ces paramètres ont tous été introduits dans un modèle informatique pour analyser les données en examinant les points suivants :
- L’évolution du carbone sur l’ensemble du cycle de vie en fonction des bâtiments et du nombre de personnes logées dans une zone de 1 km².
- L’évolution du carbone sur l’ensemble du cycle de vie en fonction de l’augmentation de la population sur la base de quatre tailles de population fixes – 20, 30, 40 et 50 000 personnes – et de l’utilisation des sols nécessaire pour les accueillir dans le cadre de quatre scénarios urbains différents.
Nos résultats montrent que les villes à faible densité et à faible hauteur, telles que Paris, sont plus respectueuses de l’environnement que les villes à forte densité et à hauteur élevée, telles que New York. Si l’on considère les scénarios à population fixe, le passage d’un environnement urbain de faible densité à un environnement urbain de grande densité entraîne une augmentation moyenne de 142 % des émissions de carbone sur l’ensemble du cycle de vie.
Si l’on rapporte ce chiffre aux économies potentielles par personne, sur la base de la taille fixe de la population, la construction de tours basses à haute densité permet d’économiser 365 tonnes d’équivalents CO₂ par personne par rapport aux tours hautes à haute densité.
Il est temps pour les urbanistes de commencer à intégrer cette nouvelle compréhension de l’ensemble du cycle de vie du carbone d’un bâtiment, en équilibrant l’impact de la densité urbaine et de la hauteur tout en accueillant des populations en expansion. Pour atteindre la durabilité urbaine, le monde aura besoin de plus de Paris et de moins de Manhattan.
Notre avis : cette étude risque de faire tomber beaucoup de certitudes en matière d’urbanisme et d’architecture. Pour autant, 2 points ne sont pas abordés, puisque l’étude se base sur de l’existant : le choix des matériaux en construction pourrait limiter l’impact carbone, en remplaçant notamment le béton et l’acier par du bois, par exemple. Dans ce cas, la taille des bâtiments restera limitée par la réglementation. Autre point non négligeable, c’est la concentration des polluants, pas seulement lors de la construction, mais aussi à l’exploitation de tels bâtiments, dans lesquels les COV sont légions (revêtements, mobilier, déchets, …) . La densification des villes aura donc toujours ses limites, celles également de la gestion de l’eau potable, des eaux usées ou des déchets !
Article sous licence Creative Commons. (Source)
Bonjour, est-ce que c’est possible d’avoir le rapport ACV complet ?
Bonjour Daria,
Tous les liens sont dans l’article.
Vous oubliez de prendre en compte l’impact des transports !!! Il me semble que dans une ville tous les mouvements doivent être pris en compte !
La question des transports est un sujet très complexe.
Qui doit-on prendre en compte ? La population : âge, actifs, étudiants, … ?
Transport pour faire quoi ? Alimentation, travail, loisirs ?
Transport pour aller où ? Au travail, mais où ? Commerces, au Ski, à l’aéroport, en famille ?
On ne résoudra pas ce problème en faisant des gratte-ciels, qui plus est, qui nécessitent eux-mêmes leur propre transport (coût, entretien, sécurité).
Et même en créant des bâtiments inclusifs mêlant, commerces, services, loisirs, … les populations changent !
Quid des crises sanitaires, d’un éventuel collapse ? Impossible d’y générer de la résilience !
Le débat est infini, et aucune solution n’est parfaite, tant que l’Homme sera le problème !
Pour une surface donnée d’un kilomètre carré et pour un nombre identique d’habitants, si les immeubles sont deux fois plus haut, l’emprise au sol sera deux fois moindre. De plus, si l’on considère les voies de circulation, les espaces verts sont plus grands avec les immeubles deux fois plus hauts.
@Pierre : C’est une vision extrêmement simpliste de l’impact environnemental et jsutement tout ce qu’explique l’article.
Avec la hauteur, les besoins en matériaux supplémentaires, logistiques (de la conception à la déconstruction) et technologies pour limiter les risques (incendie, sysmique, …) sont tels que ces immeubles ont un impact écologique 2 à 3 fois supérieurs à une immeuble de faible hauteur !
La construction de grattes ciel serait peut être une solution pour éviter les étalements urbains?
Mais, oui il y a un mais, ces systèmes constructifs demande la mise en place d’ascenseurs, surcoûts non négligeables sans compter les réglementations incendies et sismiques induisant des installations coûteuses. Ces systèmes constructifs trop souvent ne permettent pas la réalisation d’appartements traversants nécessaires pour réguler les températures lors de canicules, Les appartements en hauteur subissent des vents qui ne leur permettent pas les ouvertures des fenêtres parfois nécessaires, et surtout, leur intégration urbaine déshumanise l’espace urbain.
Il me semble que rester dans des proportions humaines avec des appartements donnant l’impression d’être dans des maisons individuelles sans pour autant en être, devrait être le défis à relever. Végétaliser la ville est aussi un défis important.
Tout à fait d’accord Laurence 😉
C’est d’une bêtise mais sans nom plus ont n’est nombreux plus ont prend de place donc la seule solution et de construire en hauteur. Parceque contruire des petit struture certes consommer moin en énergie mais prend plus de place sur l’espace naturel d’un lieux où sur des exploitation agricole donc si ont n’est plus nombreux ont consomme plus et si ont prend plus sur l’espace naturel ou sur des explications agricole forcément il va avoir problème.
@Kefran : c’est ce que tout le monde pensait avant cette étude et que visiblement vous n’avez pas bien lu.
Je vous invite à voir cette vidéo avec Philippe Bihouix qui argumente aussi très bien la problématique : https://youtu.be/3r9OLYBRPAs
Je vous en détaille juste 2 arguments :
– construire sur la hauteur demande 2 à 3 fois plus de ressources qu’un bâtiment classique parce que nécessitent plus de matériaux, d’équipement de sécurité, de ventilation, logistiques (ascenseurs, parkings), …
– et on construit avec des matériaux au bilan carbone désastreux (acier, béton) non ou mal recyclables
Donc, il est préférable de rénover l’existant, de faire des ensembles de petits niveaux, et surtout de sortir des grandes villes qui concentrent toutes les pollutions et externalisent toute la logistique (alimentation, e-commerce, déchets, traitement de l’eau, …) pour faire de l’étalement péri-urbain !