Philippe Madec : on a tous les matériaux pour remplacer le béton, l’acier, le PVC et tous les éléments issus de la pétro-chimie » #BGT 009

Remise Partenaires

Lors de la fête du Soleil organisée au Domaine de Tizé près de Rennes (FR-35) en juin 2021, nous avons eu la chance d’interviewer, dans le cadre du Build Green Tour, l’une des références françaises en matière d’éco-architecture, Philippe Madec, du cabinet d’architectes éponyme, et un des 3 co-signataires du manifeste pour une frugalité heureuse et créative.

Fils d’ostréiculteur et de meunier, Philippe Madec a toujours été proche de la nature. Mais dans les années 70, suite au développement d’une maladie (importée du Japon) dans les huitres de l’exploitation familiale, Philippe a pris conscience de « la fragilité de cette nature, sous les coups d’une humanité peu regardante » .

Interview très enrichissante de cette personnalité incontournable du futur de l’architecture :

 

  • (00’52) le domaine de Tisé près de Rennes
  • (01’33) l’inspiration de Philippe Madec
  • (04’35) sa conception de l’architecture écologique
  • (11’00) le bioclimatisme en urbanisme
  • (13’13) le manifeste pour une frugalité heureuse et créative
  • (17’10) quel avenir pour l’habitat ?
  • (22’30) et les écolieux dans tout ça ?

 

La Bretagne m’a appris cette force de la relation « culture/nature »

Dans les années 80, Philippe Madec n’a pas été formé à l’architecture écologique, il a donc dû trouvé par lui-même des chemins pour parvenir à cette démarche. Et l’architecte et historien anglais Kenneth Frampton a été l’un de ses inspirateurs avec son essai « Towards a Critical Regionalism » (1983) qui parlait de « la relation de la culture à la nature, de la relation à la topographie, de la relation au soleil, de la relation au climat. Il intégrait les bases de ce qu’on appelle aujourd’hui le bioclimatisme. » 

 

Pour Philippe Madec, « il ne faut pas confondre l’architecture et la construction » . Il définit l’architecture comme « une installation de la vie par une matière disposée avec bienveillance » . Ainsi, il n’y a «  pas de limite entre l’architecture d’urbanisme et l’aménagement du territoire, tout ça est le même sujet » . Son vrai travail est de « réfléchir à l’établissement humain » 

Dans la construction, il semble évident pour Philippe Madec qu’on « a tous les matériaux pour remplacer le béton, l’acier, le PVC et tous les éléments issus de la pétro-chimie ».  Mais il y a des usages pour lesquels on a encore besoin d’utiliser du ciment Portland comme les « ouvrages immergés », et quand on doit protégé des éléments sensibles (vieux ouvrages) la « climatisation est indispensable pour gérer l’hygrométrie ». Dans les « milieux hospitaliers, on doit faire attention aux conditions sanitaires » et là encore, « la climatisation peut être intéressante. »

« Pour le reste, je pense qu’on est capable de tout faire sans utiliser de béton (au ciment Portland) et c’est pas qu’on est capable, c’est qu’il faut le faire »

 

 

Ecoquartier des Noés, logements, crèche Val-de-Reuil - FR-27 - 2016 - Atelier Philippe Madec

Ecoquartier des Noés, logements, crèche
Val-de-Reuil – FR-27 – 2016
Atelier Philippe Madec

Le monde du bâtiment est passé sous le radar de la critique environnementale depuis trop longtemps, alors qu’il « émet 40% des gaz à effet de serre », d’après l’ONU qui l’a reconnu seulement en 2018 ! Et dans cet proportion, le « sac de ciment émet entre 7 à 9% des GES contre 2% pour les émissions de l’avion. »

« Il faut savoir où sont nos combats. Et ils sont très clairement d’arrêter le ciment Portland »

Si les matériaux ont tout leur intérêt en éco-construction, pour Philippe Madec, c’est aussi « la qualité du bâti, de telle manière que les gens soient bien physiquement et du point de vue de leur santé et moralement aussi ». Il doit y avoir un vrai travail « notamment sur la lumière, sur les apports solaires » pour faire en sorte d’arrêter d’utiliser la climatisation » en adaptant « une ventilation naturelle partout ». On est donc plutôt dans des logiques de « low-tech ».

« J’utilise le bois depuis très longtemps. Tous mes bâtiments publics sont en bois, en pierre et en terre. Avec ces trois matériaux là, on peut faire tout ce qu’on veut ».

Philippe Madec ne prétend pas faire « une architecture traditionnelle, mais bien une architecture d’aujourd’hui, avec des technologies contemporaines », de « telle manière que ses bâtiments ont une empreinte carbone très basse ». Et dans cette conception, le « bioclimatisme doit être une posture », et « ‘une manière de regarder les enjeux et de faire en sorte que la relation au climat soit intégrée ». Or il « n’y a jamais 2 projets pareils » donc le bioclimatisme « c’est une façon d’entrer dans le projet et d’intégrer ces éléments là ». Ce qui fait que tous les projets de l’atelier Philippe sont bioclimatiques.

« Il est possible d’arriver à un niveau passif, sans effort de technologie, simplement parce que les apports solaires sont là »

 

Le manifeste pour une frugalité heureuse et créative est devenu un mouvement

Avec près de 13 000 signataires aujourd’hui, le manifeste s’est développé partout en France, avec un à plusieurs groupes locaux par département, avec un engouement également à l’étranger : Belgique, Algérie, Maroc, Taïwan, Cambodge, Vietnam,  …

De nombreuses personnes « qui se battaient individuellement pour une architecture plus éco-responsable, plus frugale, ont eu besoin de se rassembler et de réaliser qu’ils n’étaient pas seuls ».

« On n’était pas prêt à être confronté à un tel succès ».

 

Philippe Madec - Dominique Gauzin-Muller - Alain Bornarel

Philippe Madec – Dominique Gauzin-Muller – Alain Bornarel

Or désormais, c’est bien le « mouvement, avec tous ses groupes, qui a une réalité sur le territoire » avec une notion assez étrangère au milieu des architectes, très concurrentiel, qui est celle du « partage ».

Le mouvement travaille actuellement sur une cartographie de l’ensemble des ressources naturelles et humaines (artisans notamment) en France.

« Quand il y a une ressource naturelle, il y a toujours un savoir-faire qui l’accompagne ».

 

L’objectif de demain, ce n’est pas le neuf, c’est la réhabilitation

Une question se pose au sein du mouvement pour une frugalité heureuse et créative « faut-il encore construire ? »

Et pour Philippe Madec, cette question doit se poser à chaque projet. Et la réponse n’est pas la même selon où on se situe. On continue encore à construire des milliers de m² de logements alors qu’on a 230 000 logements vides en France et 4 millions de m² de bureaux vides.

On n’a aujourd’hui pas le temps de faire du neuf, car on ajoute seulement chaque année ‘ »que 1% du bâti existantv. Et malheureusement, dans cette faible part du renouvellement trop peu sont éco-responsables.

« C’est pas avec 0,01% (de renouvellement du bâti éco-responsable) qu’on va sauver la planète. » « La réhabilitation s’impose ».

D’ailleurs une étude de l’Ademe réalisée en 2019 compare la construction à la rénovation de bâtiment, et conclue que « la réhabilitation est plus intéressante à tout point de vue ».

« Avant on disait « solide du béton, vous pensez bien que ce n’est pas vrai ! »

Le cycle de vie pour un bâtiment en béton armé est d’environ 50 ans/ 60 ans, soit l’apogée de la construction au ciment Portland. On arrive donc au terme de la vie de ces constructions, qu’il va falloir réhabiliter (non sans mal, tant leur conception au niveau thermique est une aberration).

« L’économie de demain, elle est là, dans la réhabilitation (des constructions urbaines notamment). »

Autre chantier important pour lequel Philippe Madec s’investit, le territoire rural, avec ses bourgs et ses hameaux. Les « néo-ruraux y arrivent avec des projets de vie », dans des habitats participatifs, des écolieux, qui « souvent est lié à la permaculture ».

Cependant, il n’y a pas qu’à la campagne qu’on peut développer ce type de (tiers) lieu. En ville, on peut aussi réhabiliter des sites pour les transformer en habitats groupés, tiers lieux et autre fermes urbaines.

Ce qui ravit le plus notre interlocuteur, c’est de voir des maîtres d’ouvrage lui demander : « qu’est-ce que vous n’avez pas encore innover en matière d’éco-responsabilité et que vous pensez que pourriez faire dans notre projet ».

« On n’a pas finit encore d’inventer (en matière d’architecture éco-responsable). On est constamment en train de le faire. »

 

Pôle culturel en Bois et Terre Cornebarrieu - FR-31 - 2017 - Atelier Philippe Madec

Pôle culturel en Bois et Terre
Cornebarrieu – FR-31 – 2017
Atelier Philippe Madec

Notre avis : pour les fondateurs de Build Green, Philippe Madec est un inspirateur, une référence en matière d’éco-construction. Depuis toujours, il est sorti des sentiers battus, tracés par les lobbies des grandes industries, pour développer une architecture aux ressources naturelles et locales. Il n’a pas cherché à défier la nature mais plutôt à en faire un allier dans ses projets. Aujourd’hui contre vents et marée, après plus de 30 ans, à de force de convictions chevillée au corps, son carnet de commandes n’a jamais été aussi plein. Ce pionnier de l’architecture éco-responsable avait raison bien avant l’heure. Cela ne compensera malheureusement pas le retard que la France, que le Monde, a pris en matière d’impact écologique dans la construction ! Mais ce mouvement, né du manifeste pour une frugalité heureuse et créative, se révêle un espoir pour les futurs architectes, maîtres d’oeuvre et constructeurs, afin d’ouvrir la voie vers une nouvelle façon de construire.

 

Crédits Photos : Atelier Philippe Madec – Pascal Faucompré – Build Green

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Vous avez réalisé une construction ou rénovation exemplaire ? Demandez votre reportage sur le Build Green Tour ici

Découvrez tous les reportages du Build Green Tour ici

 

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Pascal Faucompré
Editeur et Rédacteur en chef de Build Green, le média participatif sur l'habitat écologique et pertinent. Passionné par le sujet de l’éco-construction depuis 2010. Également animateur de nombreux réseaux sociaux depuis 2011 et d'une revue de web sur : Scoop.it

5 réflexions sur “Philippe Madec : on a tous les matériaux pour remplacer le béton, l’acier, le PVC et tous les éléments issus de la pétro-chimie » #BGT 009

  1. Le travail de PM est très intéressant et assez subtil..mais il manque une fois de plus une notion de cout de construction qui est le nerf de la guerre malheureusement. Oui on peut se passer de ciment portland mais bien entendu pas dans les fondations ( les bâtiments de PM utilisent comme tout le monde des m3 de béton pour les fondations, longrines, pieux, poutres, cages d’ascenceur mais il semble l’oublier)… Réduire notre consommation de béton est le but a atteindre pour ne l’utiliser que la ou il est inévitable..reste donc le cout de construction des filières de rémploi, de matériaux bio-sourcés, de bois etc et la question a mille francs: qui paye? Le cout global est gérable pour ceux qui peuvent lever des fonds, les garantir mais comment fait le quidam moyen qui gagne le smic ou plus lorsqu’il veut construire ou rénover efficacement. C’est le nerf de la guerre mais une sorte d’omerta inconsciente qui est à la fois un frein et surtout une future source d’inégalité sociale entre les citoyens ( un peu comme la voiture electrique aussi)

    • Bonjour cher inconnu.
      Quand vous parlez de coût, voulez-vous dire coût économique ou environnemental ?
      Comme l’explique très bien dans la vidéo Philippe Madec, on peut construire sans, c’est une question de conception, il faut juste s’y pencher un peu.
      Concernant le coût économique, quand on connaît le résultat sur des bâtiments de plus de 50 ans (qu’il faut désormais détruire et reconstruire) le calcul ne peut plus se faire sur 20 ans !
      Et si on veut un bâtiment performant, comme l’exige déjà la RT2012, le surcoût sur un bâti en béton équivaut largement à un bâtiment en bois, pierre ou terre.
      Malheureusement la construction (par architecte ou CCMiste) n’est plus accessible au smicard (sauf au fin fonds de la Creuse ou de la Mayenne).
      Il leur faut se résoudre à trouver des alternatives, plus légères, avec des matériaux recyclés, dans des habitats groupés, écolieux, éventuellement réalisés en chantier participatif (accompagné).
      Quand on veut, on peut. Il suffit de chercher les bonnes solutions. Et si on ne peut pas, on n’arrête de rêver !

      • Je parlais du cout économique qui est le nerf de la guerre..
        Je suis aussi convaincu que vous sur les méthodes et résultats mais concrètement ca veut dire qu’on exclu de fait les gens qui n’ont pas de capacité d’emprunt ou de revenus permettant toute forme d’investissement dans cette démarche..Il leur restera le logement social pourvu qu’il y en aie assez pour tout le monde…Ce que je veux dire derrière c’est comment faire en sorte que le virage environnemental ne crée pas une fracture sociale supplémentaire et donc des laissés pour compte climatiques pourrait on dire?

        • Tant qu’on laissera aux acteurs privés de réguler le marché immobilier, la fracture sociale continuera à s’agrandir. C’est une question politique, que ni vous ni moi pouvons résoudre. L’enjeu ne se fait pas sur le bâti mais sur le foncier. Les 5 à 10% d’écart sur le bâti ne changent pas beaucoup la donne, surtout compte tenu des économies réalisées sur l’exploitation. Donc, oui, vous avez raison, il faut instaurer des réserves foncières pour le logement social, de qualité et tant qu’il y aura des pigeons pour payer un immobilier trop cher, cela continuera jusqu’à l’explosion de la prochaine bulle (comme en 2008).

    • Votre commentaire est tout à fait pertinent et réaliste .
      Le béton est un très bon matériaux de construction,il suffit de l’utiliser d’une façon raisonnable ,et par conséquent de revoir et d’améliorer les méthodes constructive .

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