L’une des solutions les plus emblématiques de la construction à partir de matériaux recyclés est la maison container. Ces bâtiments sont réalisés à partir d’anciens conteneurs maritimes reconditionnés pour l’occasion. Qui se serait douté un jour que ce mode d’expédition, normalisé et utilisé dans le monde entier, verrait son usage détourné par le secteur du bâtiment ?
À l’origine : le conteneur d’expédition maritime
Malcolm McLean, ce nom ne vous dit peut être rien, mais cet entrepreneur parti de rien développa une flotte de camions fin des années 1930. Confronté au problème de chargement/déchargement sur les ports, il passa une grand partie des années suivantes à chercher un moyen de transport plus efficace. Et c’est dans les années 50 qu’il développa ce qu’on appela le conteneur d’expédition, afin de le standardiser sur les remorques de camion.
Mais pour que ces conteneurs soient adoptés par le monde maritime, il lui fallut acheter une compagnie maritime, qu’il renomma Sealand Industries. Ce nom ne vous est pas inconnu ?!
Et c’est en 1956 qu’il lança le premier porte-containers au départ de Houston dans le New-Jersey, transformé à partir d’un bateau pétrolier : Ideal X. Ce nouveau mode de transport permis de réduire de 25% les prix, ce qui lui valut un succès immédiat.
Ainsi, ces conteneurs d’expédition ont complètement changé la donne : une meilleure organisation des chargements et déchargements des bateaux et une conception permettant de transporter des charges lourdes empilées en colonnes élevées.
Il fallut toutefois attendre la fin des années 60 pour que se normalisent les dimensions que l’on connaît aujourd’hui dans le secteur du fret maritime : 20 et 40 pieds. Soit 5,90/11,80 m de long, 2,35 de large et 2.68 de haut.
Du container maritime à la maison container
Beaucoup de professionnels du bâtiment se sont penchés sur le recyclage de ces containers. Aux Etats-Unis, comme en Europe. Les ports se retrouvaient encombrés de containers vides provenant en majorité d’Asie, ne trouvant pas suffisamment de fret pour retourner vers leur pays d’origine.
Et finalement, les qualités de ces conteneurs d’expédition furent exploitées pour constituer des matériaux de construction idéal. L’américain Philippe C. Clark fut le premier, en 1987, à déposer un brevet d’une « méthode pour convertir un ou plusieurs conteneurs métalliques maritimes en bâtiment habitable ».
Anecdote : pendant la guerre du Golfe de 1991, les conteneurs ont vu leur utilisation détournée non seulement comme abris de fortune, mais aussi pour le transport des prisonniers de guerre irakiens. Des trous étaient percés dans les conteneurs pour permettre leur aération. Les conteneurs continuent d’être utilisés pour des abris militaires, le plus souvent fortifiés avec des sacs de sable aux parois latérales pour protéger des tirs.
En Europe, le premier chantier emblématique fut réalisé à Amsterdam pour convertir des conteneurs en logements étudiants dès 2005. Ils sont aujourd’hui 3.000 à vivre dans ces conteneurs aménagés en petits appartements, dans la cité universitaire de Keetwonen. 22 m² : une petite cuisine, une salle de bains, une chambre, et même un balcon pour certains, le tout pour environ 460 euros par mois avec l’électricité et internet.
En France, Le Havre a été la première ville a adopté en 2010 ce type de logement universitaire. Reims, Nantes, Rennes, Lyon ou Annecy ont suivi, offrant ainsi un habitat peu cher (300 à 450 euros) pour des conditions de confort honorables.
Depuis, la maison container a fait son chemin et fait l’objet de nombreuses réalisations dans le monde entier.
Principe et usages
Qu’on la nomme Cargotecture ou Arkitainer, cette solution architecturale repose sur un principe simple : constituer un bâtiment à partir de cubes de 40 pieds, principalement en acier et intégrant un plancher bois.
Sous ses apparences à priori austères, les containers constituent une base idéale pour des architectures de type cubique, appréciées dans la construction contemporaine, qu’elle soit résidentielle ou individuelle. Tel un jeu de construction, sa modularité offre des perspectives intéressantes d’évolution pour un foyer qui s’agrandit. On peut aussi imaginer le container pour un besoin d’espace complémentaire, en extension ou surélévation.
Ses premiers usages ont d’ailleurs souvent été fonctionnels : entrepôt de stockage, atelier d’artiste, garage d’habitation, bureau de jardin. D’autres ont vu l’opportunité de créer un local professionnel, que ce soit une boutique, un espace d’exposition, une clinique, un studio d’enregistrement, une mini-usine mobile, un data-center, un camp de base scientifique, une ferme hydroponique ou même des sanitaires !
Enfin le container a beaucoup été utilisé comme logement d’urgence, après un séisme ou un cyclone notamment. Aujourd’hui on l’emploie de plus en plus comme logement social, pour étudiants et un peu partout dans le monde comme logement de fortune pour les réfugiés de guerre.
Il existe plusieurs types de containers maritimes :
- le Dry, le plus courant. Il est conçu à la base pour le transport de marchandises non polluantes et non liquides. C’est la solution idéale en 40 pieds ;
- le Flat Rack est semblable au Dry, mais il ne possède pas de parois latérales. Plus rare, il peut s’avérer pratique pour les juxtapositions de containers.
- l’Open Top, sur la base du Dry, s’ouvre par le haut. Idéal pour une terrasse. Le toit est cependant fragile. Il doit donc être positionné sur les éléments du dessus.
- le Reefer, container isotherme utilisé pour les denrées périssables. Il contient une couche isolante de 2 cm d’épaisseur sur ses parois. Celui-ci est totalement déconseillé, son isolation présentant de nombreux COV difficiles à éliminer.
A noter : le plancher en bois est aussi à éviter car il peut être imprégné de différents produits toxiques émanant du fret transporté lors de son premier cycle de vie.
La transformation de conteneur en maison fait toutefois appel à des techniques spécialisées, et à l’ajout d’équipements spécifiquement dédiés.
Quelle réglementation pour la maison container
Côté législation, le permis de construire ne peut être refusé pour le choix des matériaux, tant que ceux-ci ne sont expressément interdits au niveau local, dans les règles d’urbanisme. Le métal est rarement un matériau prohibé (tout comme le bois d’ailleurs !).
La viabilisation du terrain est cependant une étape importante avant la dépose des containers. Une mauvaise anticipation des problèmes liés aux raccordements (eaux, internet, gaz, électricité) pourrait engendrer de graves conséquences.
Pensez que vous devrez déclarer la fin des travaux pour obtenir la DAACT (déclaration attestant l’achèvement et la conformité des travaux). Elle s’effectue via le formulaire Cerfa n°13408*02. déposé en Mairie ou via un courrier recommandé, en y joignant l’attestation certifiant de la mise en oeuvre de la RT 2012. Délivré par un professionnel à l’achèvement des travaux, ce document comprend notamment le test de perméabilité à l’air, le récapitulatif de l’étude thermique et la liste des isolants utilisés.
La maison container en autoconstruction :
Pour obtenir le fameux permis de construire et donc respecter les contraintes de la réglementation thermique 2012 (entre autre), l’idéal est de vous faire accompagner d’un architecte ou d’un bureau d’étude qui soit, autant que possible, expérimenté sur le sujet. Il transmettra notamment la fiche de synthèse de l’étude thermique, document nécessaire à la validation du permis. Les réglementations deviennent, et seront, de plus en plus complexes, ce qui ne laisse pas le droit à l’erreur.
Plus d’infos sur cette maison en vidéo
Les atouts de la maison container
Tarif très concurrentiel
Que ce soit en auto-construction (accompagné d’un professionnel) ou via un constructeur spécialisé, la maison container offre, à prestations et performances énergétiques équivalentes, des tarifs très compétitifs. Ne négligez pas les coûts de transport et le stress généré par cette prestation (retard, accident, …). A ce niveau, la maison container supplante même la maison ossature bois, bien qu’il faille compenser beaucoup plus au niveau thermique.
A noter : pour un conteneur neuf de 20 pieds, comptez environ 2500 à 4000€. Pour le même conteneur d’occasion, tablez sur 1500€ environ. Le transport par camion depuis le port d’achat coûte environ 600€ par conteneur (dans un rayon de moins de 100 km).
Facilité de mise en oeuvre
Un container est déjà étanche, pas besoin de fabriquer un toit pour se protéger de la pluie. Les fondations d’une telle installation peuvent être limitées à des pilotis en béton. Les ouvertures sur les containers (portes, fenêtres, ventilation) sont simples à réaliser, mais leur étanchéité devra être soignée.
Préfabrication
Travailler dans des conditions optimales pour construire ses modules, à l’abri du froid ou du chaud, n’a pas de prix. Le gain de temps est énorme et les risques minimisés.
Les modules préfabriqués peuvent ensuite être facilement transportés par bateau, par camion ou par le rail, vu qu’ils ont été conçus à l’origine et standardisés pour ces modes d’expédition.
La mise en place est ensuite un jeu de légo (ou plutôt de mécano) et se réalise en quelques heures.
Robustesse et durabilité
Les conteneurs maritimes sont à bien des égards un matériau de construction idéal. Ils sont conçus pour transporter des charges lourdes et être empilés en colonnes élevées. Ils sont également conçus pour résister aux environnements difficiles, notamment au sel sur les océans ou sur les routes, grâce à une couche de peinture anti-corrosion. En raison de leur haute résistance, les conteneurs peuvent être adaptés à un stockage sécurisé.
Non entretenu, on leur donne une durée de vie de 40 ans.
Modularité
Tous les conteneurs d’expédition sont de la même largeur et il existe en général deux hauteurs et deux longueurs standards. En tant que tels, ils fournissent des éléments modulaires qui peuvent être combinés dans des structures plus grandes.
Cela simplifie la conception, la planification et le transport. Comme ils sont déjà conçus pour s’emboîter, pour faciliter la mobilité pendant le transport, la construction structurelle est simplifiée. A vide, ils peuvent être empilés jusqu’à 12 unités de haut !
Compétences limitées
Bien que le soudage et le découpage de l’acier est considéré comme du travail spécialisé et peut augmenter les dépenses de construction, leur coût reste encore plus faible que la construction classique. Contrairement à la construction à ossature de bois, les pièces jointes doivent être soudées ou percés à la peau extérieure, ce qui prend plus de temps et nécessite différents équipements de chantier.
Disponibilité du matériau
Si vous vous trouvez à proximité d’un port (ou d’un fleuve), le conteneur sera disponible à peu de frais, et rapidement exploitable pour vos besoins.
Dans le bilan carbone de votre construction, le transport du conteneur est un élément important à prendre en compte.
Reste à savoir comment est pris en compte l’analyse de cycle de vie de ce matériau recyclé. Nous n’avons pas trouvé d’étude à ce sujet …
Les défauts du conteneur
Mise en oeuvre coûteuse
Si le moyen de transport est relativement abordable, dans la majorité des cas l’expéditeur est équipé pour effectuer la manutention du container. Par contre, les engins de levage, eux, sont relativement coûteux et doivent être pilotés par un conducteur formé. Les risques d’accident et de casse ne sont pas à négliger. Vérifiez que les intervenants soient bien assurés pour ce type de manipulation.
Dimensions compliquée
La largeur intérieure de 2.34m limite les possibilités d’aménagement. Cette largeur sera encore diminuée par l’ajout d’un minimum d’isolation afin d’atteindre des performances thermiques honorables. C’est un inconvénient majeur dont il faut être pleinement conscient lors de la conception.
Toutefois, le container peut facilement être découpé, et de nombreuses possibilités d’aménagements peuvent alors être imaginées. Concernant l’isolation, pourquoi ne pas la poser par l’extérieure et la recouvrir d’un bardage en bois ?
Intégration à l’environnement
Les containers ne sont pas particulièrement esthétiques et il peut être compliqué de les intégrer discrètement dans un lotissement ou en pleine campagne.
Là encore votre imagination (ou celle d’un professionnel) peut faire des merveilles.
Voici quelques exemples, très étonnants pour certains.
Toit plat ou pas
Le toit plat des containers peut être un problème au point de vue thermique et étanchéité. Certains ont trouvé la parade par l’ajout d’une charpente ou d’une structure externe en verre, par exemple. Cela permet également d’améliorer le confort d’été problématique avec ce type de matériau.
Effet Cage Faraday
L’armature métallique peut poser problème, notamment pour les personnes électrohypersensibles. La boîte est étanche aux champs électriques extérieurs et rend l’utilisation de certains appareils (radio, ordinateur) compliquée. Ce problème sera d’autant diminué que la surface vitrée des ouvertures sera importante.
Pensez à bien relier l’armature à la terre pour éviter les conséquences des éclairs.
Caractéristiques thermiques désastreuses
Le métal étant un piètre matériau isolant, il est nécessaire de réaliser une isolation soignée et renforcée : 10 à 15 cm sur les parois et 20 à 25 cm au plafond selon l’isolant, avec une étanchéité parfaite. Un vide sanitaire est également conseillé au sol.
L’idéal est d’isoler par l’extérieur pour supprimer tous les ponts thermiques.
Pertinence du recyclage
A l’origine, le métal est l’un des plus mauvais matériaux au niveau du bilan carbone. Cependant, il présente la particularité d’être recyclable pratiquement à l’infini. Alors pourquoi le transformer en habitation quand on peut le recycler pour fabriquer des toitures, de la quincaillerie, ou tout autre matériau ? Peut-être parce que sa transformation en habitation est relativement simple et demande donc peu d’énergie.
La proximité du lieu d’achat du container et celle du terrain où on le destine peut faire considérer le choix de ce matériau comme pertinent. Lui faire parcourir 500 km serait une aberration !
Qualité toxicologique
C’est certainement le défaut le plus rédhibitoire du conteneur maritime. Il est impossible de savoir ce qu’il a transporté tout au long de sa carrière : produits dangereux, aliments bourrés de pesticides, substances toxiques, ….
La recherche de la qualité de l’air s’impose donc. Une bonne ventilation (double flux de préférence) et une bonne étanchéité peuvent réduire l’impact des COV contenus dans les parois métalliques et le plancher, mais cela restera toujours douteux.
Si la maison container est une solution intéressante de construction, dans le cadre de l’économie circulaire, on ne peut la considérer comme la solution écologique parfaite, pour deux de ses points faibles : la qualité de l’air intérieur et l’argument du recyclage du matériau, qui reste discutable. Il faudra en outre prévoir un budget non négligeable pour l’isolation, l’étanchéité et le renouvellement d’air du bâtiment.
Avant de vous lancer dans la construction, et encore plus dans l’auto-construction d’une maison container, mesurez bien les risques et les contraintes de ce type d’architecture. En vous entourant de professionnels avisés, vous bénéficierez de leur expérience et limiterez les risques.
Quelques astuces
- un bardage extérieur permet d’une part d’améliorer l’esthétique de la construction et d’autre part d’y intégrer une isolation, afin de gagner de l’espace à l’intérieur ;
- des doubles planchers et des cloisons internes permettent à la fois de passer les différents câbles et tuyaux (électricité, eau, ventilation) et d’isoler l’habitation ;
- une grande attention portée au montage des portes et fenêtres, et à l’éventuelle jointure de plusieurs conteneurs, évite les malfaçons à ce niveau ;
- le montage de petites cloisons intérieures permet de diviser l’espace dans les 40 pieds et évite l’effet couloir ;
- la jonction des containers par des coursives extérieures, éventuellement couvertes, permet de faire communiquer plusieurs pièces ou logements (comme c’est le cas dans les résidences étudiantes) ;
- pour la construction de maison individuelles, la juxtaposition des containers, en ouvrant les cloisons intérieures, permet d’obtenir de plus grandes pièces ;
- la réalisation de surélévations ou d’étage en porte-à-faux est une excellente solution très appréciée dans les maisons contemporaines.
Quelques sources :
De nombreux articles sur le Scoop.it Build Green
Le magazine des maisons containers (pas mis à jour depuis 2013)
Le blog d’un autoconstructeur d’une maison container
Un autre blog d’un propriétaire de maison container
Vidéos : Chaîne Youtube de Build Green
Livres :
Construire sa maison container, Elise Fossoux, Sébastien Chevriot chez Eyrolles
Habiter un container ? Rafaël Magrou chez Ouest France
New Container Architecture : Manuel pratique + 30 projets de Jure Kotnik chez Links
Photo image de Une : Maison container a été conçue par S+ Diseno au Mexique.