Le secteur du second oeuvre en bâtiment est ultra concurrentiel et il est parfois difficile d’exister ou de se démarquer. Tous les acteurs doivent faire face à des défis quotidiens de marges, de sécurité et à des conditions de travail difficiles. La robotique peut-elle est une solution pour réduire l’impact climatique et réduire les contraintes liées au métier ?
Un assistant robotique pour les peintres
Lors de mon passage sur Batimat, j’ai découvert cette start-up, Les Companions, qui tente de s’imposer dans le milieu de la peinture. Chez Build Green, on s’est toujours intéressé aux innovations technologiques, notamment si elles peuvent améliorer l’efficacité au travail et limiter l’impact environnemental. C’est le cas notamment de la construction 3D, qui semble prendre la bonne tangente avec l’utilisation de matériaux de plus en plus vertueux.
Cette start-up conçoit donc des assistants robotiques pour les peintres dédiés aux chantiers en intérieur, en neuf et en rénovation. L’équipe fondée en 2018 par Antoine Rennuit est aujourd’hui composée d’une dizaine d’ingénieurs, développeurs et programmeurs afin de faire évoluer le robot et de proposer des versions toujours plus performantes. C’est aussi la seule entreprise française avec un robot peinture aussi avancé avant commercialisation.
PACO® exécute les taches ingrates de manière automatisée et le peintre peut se concentrer sur les taches plus nobles et à plus forte valeur ajoutée.
Comment ça marche :
1 – L’opérateur analyse le chantier de manière traditionnelle, il décide du travail à réaliser et comment le réaliser.
2- Il effectue une mesure complète et précise en effectuant un scan 3D de son environnement de travail.
3 – L’opérateur programme PACO® et définit tous les travaux à effectuer (peinture, ponçage, etc.).
4 – Le peintre collabore avec PACO®. Le robot exécute les tâches ingrates de manière automatisée et le peintre peut se concentrer sur d’autres tâches : travaux de précision, analyse et prise de décision.
E si cette entreprise a attiré notre attention, c’est pour la promesse présentée sur son stand :
« notre ambition est de créer une véritable collaboration entre l’homme et la machine»
Et effectivement, les arguments en faveurs de ce type de robot font mouche :
- gain de temps sur le travail
- avec l’assurance d’une qualité
- moins de perte de peinture
- moins d’emballage
Et la promesse ne s’arrête pas là :
Grâce au système de programmation breveté, il peut travailler seul sur des missions répétitives et pendant les heures creuses tandis que le peintre peut se consacrer aux tâches plus nobles.
Le robot assistant peintre part en certification à l’automne 2022 afin d’être mis sur le marché dès la fin de l’année.
A savoir : PACO® a été primé Lauréat #Or aux Awards de l’Innovation de Batimat 2022 dans la catégorie Construction Tech.
Mais au final, ce robot sera t-il si vertueux ?
Avec les arguments présentés ci-dessus, on doit pouvoir espérer obtenir des gains de productivité sur les chantiers et donc réduire l’empreinte écologique de la prestation. Il y a toutefois quelques points qui nous font douter du réel intérêt écologique de ce type de robot.
Sur sa fabrication
Sur son utilisation
L’usage d’un tel robot, va demander certes un peu d’énergie (il est autonome, sur batterie), mais c’est surtout son entretien et sa maintenance qui risquent d’impacter le plus sur l’environnement. Et plus les engins sont perfectionnés plus les risques de pannes sont élevés. Le déplacement régulier d’un technicien ou son renvoi au fabricant pourrait alourdir la note globale !
A noter : la robot est prévu pour une utilisation avec de la peinture à l’eau (qui peut donc être plus écologique). La gestion des déchets a aussi été étudiée pour limiter leur impact environnement.
Sur sa fin de vie
C’est souvent là que le bas blesse avec les produits high tech. Si dans sa conception, le choix des pièces n’est pas prévu pour un réemploi ou un recyclage simplifié, c’est le passage en case déchetterie qui vient encore peser sur l’analyse de cycle de vie du produit.
Sur son caractère social
Le débat est là plus nuancé. J’ai souvent eu la remarque, ici ou sur les réseaux sociaux (d’artisans et de responsables associatifs, notamment) que ces technologies high-tech viennent remplacer le travail d’une voir plusieurs personnes.
Sauf que, on sait très bien que pour certaines professions, comme les maçons, les couvreurs et donc les peintres, on manque de beaucoup personnel qualifié, parce qu’on a affaire à des métiers à grande pénibilité. Alors pourquoi ne pas améliorer les conditions de travail de ces professionnels ?
Personnel qui, rappelons-le, a aussi son propre impact environnemental (de sa naissance à sa fin de vie, en passant par son impact mobilité, loisirs, …).
L’utilité de ce robot
Au prix où sera proposé ce robot (de l’ordre de 100 000€ HT d’après mes informations) dans ses premières années de commercialisation, difficile de penser qu’il fera une concurrence directe aux artisans. Car il faudra certainement quelques années pour amortir son investissement dans une utilisation artisanale. Par contre, ce type de robot aurait tout à fait sa place pour de la construction hors site, le second oeuvre d’immeubles collectifs, de bâtiments tertiaire, d’ERP, ou d’équipements médicaux dont les constructions sont souvent plus standardisées avec parfois des niveaux de contraintes sanitaires élevés. L’amortissement de ce type de matériel sera alors beaucoup intéressant pour ces entreprises à plus grande capacité d’investissement.
Alors, loin de nous de penser qu’on est dans du greenwashing, car l’entreprise, contrairement à bien d’autres, ne va pas jusqu’à nous affubler son robot de caractères vertueux, écologiques ou bas carbone. Par contre, tout comme les autres matériaux que nous analysons régulièrement ici, il nous semble important de prendre en compte dès sa conception, d’une part le type de pièces qui compose le robot (recyclables et réparables facilement) et la possibilité de gérer à distance la maintenance ou la réparation de l’engin.
Crédit photos : Les Companions