Alors que plus de 25% de l’énergie est consommée dans les usages du bâtiment, que la filière de la construction émet près de 20% des gaz à effet de serre, le secteur ne peut plus rester passif face aux défis climatiques, économiques et environnementaux à venir. Il existe des solutions qui permettent de rendre plus passive une construction ou une rénovation pour réduire les consommations d’éclairage, de chauffage ou de climatisation. Voici quelques stratégies passives, issues de l’architecture bioclimatique, un inventaire non exhaustif mais relativement pertinent pour son impact.
Classiquement, les modes actifs de chauffage, de refroidissement, de ventilation et d’éclairage utilisent des systèmes électriques énergivores. D’autre part, les mesures passives aident à maintenir le confort thermique intérieur en utilisant les propriétés physiques et thermiques inhérentes à l’enveloppe du bâtiment et à son environnement.
En règle générale, un bâtiment bien conçu et bien exploité utilise des mesures passives au niveau de l’enveloppe pour minimiser d’abord les charges thermiques. Ensuite, il utilise des modes actifs économes en énergie de chauffage, de refroidissement, de ventilation et d’éclairage.
Instaurer un microclimat
Les conditions facilitées par les éléments physiques autour d’un bâtiment constituent le microclimat. Il est influencé par la végétation, les propriétés du sol, les masses d’eau, l’ombrage mutuel dû aux bâtiments adjacents et l’exposition régionale à la pollution particulaire. Pour les climats chauds, on peut optimiser le microclimat grâce à un aménagement paysager approprié. On inclut des terres non pavées avec une végétation régionale suffisante et des plans d’eau pour retenir l’humidité et faciliter l’ombrage. Les équipes de conception et d’aménagement paysager peuvent encore améliorer le microclimat en observant les flux d’air saisonniers et les modèles de parcours du soleil et en alignant la végétation de manière appropriée. Par exemple, autour des bâtiments, planter des arbres volumineux le long de la façade sud pour réduire l’incidence du soleil indésirable de l’après-midi. Pour les climats frais, le microclimat peut faciliter l’incidence du rayonnement solaire sur l’enveloppe du bâtiment ; cependant, il n’est pas aussi efficace que dans les climats chauds. Néanmoins, on peut utiliser la masse thermique des éléments microclimatiques adjacents (comme le dallage ou les murs mitoyens) pour une chaleur rayonnante à certaines heures de la journée.
Les concepteurs peuvent appliquer des mesures passives au microclimat avec une relative facilité ; cependant, les limitations spatiales dans les communautés urbaines denses peuvent compliquer les choix. Simultanément, le microclimat nécessite un entretien fréquent, comme l’arrosage des plantes, l’élagage des arbres et le nettoyage des étangs. Lors de la mise en œuvre de mesures passives au niveau du microclimat, il est important de consulter les experts du domaine régional sur les espèces végétales locales avant de choisir la stratégie d’aménagement paysager. Par exemple, la plantation de palmeraies dans un climat chaud et humide non entretenu peut entraîner des infestations d’insectes. Dans l’ensemble, les mesures passives basées sur le microclimat peuvent décarboner un bâtiment en aidant à réduire le besoin de refroidissement actif.
Jouer avec les apports solaires
L’axe directeur d’un bâtiment définit son orientation par rapport au Nord géographique. En fonction du climat et du microclimat régionaux, l’orientation peut être optimisée pour faciliter la pénétration de la lumière du soleil et du vent pour la lumière du jour et l’apport de ventilation naturelle.
Il suffit d’analyser la carte saisonnière et annuelle de la course du soleil (illustrant les ombres) et la carte de la rose des vents (illustrant la direction et la magnitude du vent) pour déterminer l’orientation optimale d’un bâtiment. En règle générale, on doit donner la priorité à la minimisation de l’effet du soleil d’été et à la maximisation de l’effet du soleil d’hiver. De même, en été, l’augmentation du débit d’air dans le bâtiment doit se faire pendant les heures du matin et du soir, tandis qu’en hiver, on peut envisager de permettre le débit d’air de l’après-midi à l’intérieur.
L’orientation des bâtiments en fonction de l’emplacement est l’une des stratégies de conception passive les plus rentables et les plus efficaces pouvant être utilisées dans tous les climats. L’un des très rares inconvénients de cette mesure est le non alignement de l’axe de construction optimisé avec la géométrie de la parcelle disponible ; cependant, il est possible de relever ce défi grâce à une gestion spatiale efficace. Dans le processus d’optimisation de l’orientation du bâtiment, il faut examiner attentivement les facteurs climatiques ainsi que la fonction du bâtiment à l’aide d’outils spécialisés et du soutien d’experts du domaine (comme es bureau d’études thermiques).
Limiter et mutualiser la surface habitable
La surface habitable fait généralement partie des critères principaux de sélection d’un habitat. Or, il y a forcément un rapport très étroit entre les m² développés et les ressources consommées pour les réaliser. Cette incidence existe aussi au plan de l’énergie nécessaire tant à la construction, qu’à l’exploitation, à l’entretien et au recyclage.
Quel que soit le matériau, quelle que soit la technique retenue, du plus simple au plus complexe, en augmentant les volumes, m3 ou m2 nécessaires, on augmente la consommation de ressources et consommation d’énergie. Or, qu’on augmente ou diminue de surface une pièce ne changera rien à son impact environnemental, du fait de l’usage. Il serait ainsi beaucoup plus judicieux de ramener l’impact environnemental au nombre d’occupants.
Entre autres actions, pour décarboner le bâtiment, nous avons tout intérêt à diminuer les surfaces disponibles en jouissance privative pour adapter nos espaces à nos justes besoins. C’est surtout le cas dans le cadre d’un projet de construction de maisons contemporaines ou d’une rénovation global d’un habitat.
Pour le cas d’un investissement immobilier, l’affaire se complique un peu plus. La surface de m² habitable ne définit pas l’usage des pièces. Vous pouvez vous retrouver dans un 120m² avec 3 chambres de 20 m² qui vont donc réduire le reste des surfaces habitables et impacter sur le nombre de pièces. Le critère déterminant à regarder sera donc le nombre de pièces et leurs usages. En général, les maisons anciennes de ville ont beaucoup de petites pièces, les longères aussi avec de grands couloirs, …
Quels sont les espaces réduire en priorité ?
- les chambres, en optimisant les rangements ;
- les salles de bains, en supprimant l’inutile : baignoire, bidet, double vasque ;
- la buanderie, dont le chauffage est quasi inutile, en optimisant l’espace sur la hauteur ;
- la pièce de vie, en aménageant son espace pour plusieurs usages ;
- la cuisine aménagée pour optimiser tout son espace aux usages.
L’autre piste à envisager serait de mutualiser certains espaces lors de la conception d’un immeuble. Ainsi, une chambre peut être destinée à la réception de membres de la famille ou pour du télétravail, une salle peut être réservée à des repas ou des animations entre amis, une buanderie permettrait de partager des lave-linge, un jardin potager pour l’alimentation des habitants, … Il est alors possible de jouer sur la surface habitable de chaque logement grâce à tous ces espaces mutualisés, dont l’usage est optimisé. On appelle cela un habitat participatif ou groupé.
Effectuer une correction thermique
C’est la solution à la fois la plus efficace et la plus compliquée à mettre en place. Beaucoup de paramètres sont à prendre en compte pour atteindre le confort thermique idéal. L’isolation permet de limiter la quantité de calories qui fuient au travers d’une paroi.
Selon l’Ademe, les parties d’un bâtiment qui perdent (et prennent) le plus de calories sont, dans l’ordre, le toit, les fuites d’air, les murs et les fenêtres.
Le toit est la surface la plus élevée d’un bâtiment, subissant l’incidence normale de la lumière du soleil pendant les heures de pointe le jour. C’est la barrière directe au rayonnement solaire et influence de manière significative l’environnement thermique du plancher immédiatement en dessous. Pour la pénétration de la chaleur solaire. Cela peut être fait en réfléchissant le rayonnement ou en réduisant le flux de chaleur à travers le matériau en utilisant sa masse thermique inhérente. Une réflectance élevée est obtenue en enduisant la surface du toit de tuiles, de peintures réfléchissantes ou de revêtements spécialisés à haute émissivité. Une masse thermique élevée est obtenue grâce à des matériaux isolants biosourcés, de préférence. On peut également reproduire l’effet de refroidissement en ombrageant le toit avec une surface temporaire faite de tissu, de végétations ou de matériaux à haute émissivité.
Pour les bâtiments anciens, en pierre, moellon, pisé par exemples, un correcteur thermique appliqué avec des matériaux d’origine naturelle (chanvre, paille, terre, chaux) apportera sur les parois intérieures une isolation performante à moindre coût qu’une isolation par l’extérieur, pas toujours possible. En outre, ce correcteur régulera l’humidité de l’air et des murs tout en donnant un peu plus d’inertie.
Les infiltrations et fuites d’air se traitent le plus souvent avec une vision plus globale du bâtiment. Cependant, changer les fenêtres tout en ajoutant une ventilation mécanique permet déjà de diminuer ces altérations fort incommodantes pour le confort.
Toutes ces solutions améliorent de façon passive le confort thermique du bâtiment en construction comme en rénovation. Il existe aussi des solutions d’ordre physiologique qui vont influer sur le mode de vie (tenue vestimentaire, tapis, rideaux, …), d’autres qui vont jouer sur la sobriété énergétique, avec des gestes quotidiens pour réduire ses consommations (éteindre les appareils en veille, décaler les horaires d’équipement, réduire sa consommation d’eau chaude, … ) et enfin des solutions plus techniques (dites actives) pour améliorer l’efficacité énergétique (changer les équipements énergivores, thermostat programmable pour le chauffage, un chauffe-eau thermodynamique ou solaire, …).
Crédits images : Image de Une Habitat Participatif Ecolodo près d’Angers (Fr-49) par Pascal Faucompré, Cove.tool, Ademe, Atelier du rouget, WinnieC de pixabay
Inspiré et adapté de cet article du Archdaily