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Créer son habitat en zone agricole ou naturelle est-il légal ?

De plus en plus nombreuses sont les personnes aspirant à une reconnexion avec le vivant, à une vie au milieu de la nature, à un habitat incarnant l’aspiration à la cohérence écologique et à une forme d’autonomie. Or l’un des principaux obstacles sur leur route est la difficulté voir l’impossibilité juridique de créer légalement un habitat dans des espaces considérés administrativement comme agricoles ou naturels.

 

Dans cet article, je vous propose donc d’explorer (dans les grandes lignes) comment le droit de l’urbanisme actuellement applicable en France cadre ce qu’il est ou non possible de construire en termes d’habitat dans ces espaces.

Deux précisions avant de commencer :

 

1° Un peu de vocabulaire

Le type de construction qui nous intéresse ici sont les constructions à destination d’habitation et à sous-destination de logement. La notion de destination, inscrite aux articles R 151-28 et R 151-29 du Code de la construction et de l’habitation, désigne l’utilisation principale et officielle d’une construction et à de nombreuses implications pratiques (notamment au niveau de la fiscalité foncière et du droit de l’urbanisme) dont on verra quelques unes dans cet article.

Juridiquement le terme “construction” est entendu de façon très extensive : peu importe qu’un objet n’ait pas de fondation, dispose de roues et/ou soit facilement démontable, s’il est ou sera factuellement utilisé selon l’une des destinations et sous-destinations fixées par les articles ci-dessus, il est bien considéré comme une construction.

 

2° Bases en droit de l’urbanisme

En France existent aujourd’hui 3 cas de figure :

A – Dans les communes sans document local d’urbanisme ou avec carte communale

Dans les communes sans document local d’urbanisme ou avec carte communale les règles d’urbanisme applicables sont précisées par le Règlement National d’Urbanisme (RNU), constitués des articles L 111-1 à L 111-26, R 111-1 à R 111-53 et A 111-1 à A 111-10 du Code de l’urbanisme. Les règles essentielles à retenir ici sont :

Mais que sont les PAU ?

Si la commune a une carte communale, il faudra alors regarder le règlement graphique de celle-ci, qui précise au niveau cadastral les PAU (qui sont les secteurs constructibles) et les espaces hors PAU (qui sont en principe inconstructibles).

Par contre, si la commune n’a pas de document local d’urbanisme, pas de document à consulter : c’est à la collectivité d’estimer si un site en particulier est ou non situé en PAU. Les règles d’estimation ne sont pas précisées par le Code de l’urbanisme mais par une abondante jurisprudence – selon celle-ci, une collectivité peut estimer qu’un site est en PAU si il présente plusieurs des critères suivants :

Que peut-on construire si le site envisagé pour le projet constructif est hors PAU ?

En principe, rien selon l’article L 111-3 du Code de l’urbanisme. Mais l’article suivant du même Code prévoit plusieurs exceptions pouvant permettre la construction d’un bâtiment d’habitation :

B – Dans les communes avec plan local d’urbanisme (PLU)

Le PLU contient de nombreux documents dont :

Le Code de l’urbanisme prévoit aux articles L. 151-11 à L. 151-13 et R. 151-23 à R. 151-25 ce qu’une collectivité peut autoriser en zone agricole (A) et en zone naturelle et forestière (N), via l’écriture de ce règlement écrit :

C – Autres réglementations à intégrer

En plus, selon les cas, du RNU ou du règlement écrit du PLU, d’autres réglementations s’imposent aux projets constructifs notamment :

 

3° Une préservation toujours plus forte

Depuis deux décennies, l’Etat impose une préservation de plus en plus forte des terres agricoles et naturelles, pour qu’elles gardent leur vocation et soient préservées de l’artificialisation des terres, phénomène massif : dans la décennie 2010, c’était entre 20 000 et 30 000 hectares de terres qui ont été artificialisées chaque année. Parmi les conséquences, on peut citer :

Plusieurs textes de loi ont donc été publiés au fil des ans, contraignant les collectivités à limiter la constructibilité de leurs territoires et leur donnant des outils pour limiter l’artificialisation des terres, notamment :

Cette dernière loi a acté l’objectif Zéro Artificialisation Nette pour l’an 2050, avec un premier objectif intermédiaire de réduction de moitié du rythme de la consommation des terres par l’artificialisation dans les dix prochaines années 2021 – 2031)

Qu’entend-t-on par Zéro Artificialisation Nette ? Atteindre zéro lorsqu’on fait le solde, pour une période et un territoire donné, entre les mètres carrés artificialisés et les mètres carrés désartificialisés, c’est à dire qui étaient jusque là artificialisés et que l’on a modifié pour qu’ils retrouvent leur vocation agricole ou naturelle.

Résultat : les terrains constructibles (a fortiori ceux de grande taille) en dehors des espaces urbanisés sont déjà rares et le seront de plus en plus dans les années à venir – conséquence de cette rareté, leurs prix sont très élevés et le seront toujours plus.

 

4° Le logement de fonction d’un agriculteur

Ici, parlons d’un cas particulier : la création à neuf d’un bâtiment servant de domicile à un agriculteur, sur son exploitation. Qu’en est-il si celle-ci est située hors des parties actuellement urbanisées de la commune, en zone agricole (A) ou en zone naturelle et forestière (N) ?

Sont autorisées dans ces espaces les “constructions et installations nécessaires à l’activité agricole” et le logement de fonction d’un agriculteur en fait partie. Le Code de l’urbanisme ne précise rien de spécifique pour ce cas, en revanche la jurisprudence sur le sujet apporte des critères stricts que les collectivités sont tenues de respecter lorsqu’elles reçoivent une demande d’autorisation d’urbanisme pour ce type de projet :

5° Et les habitats légers ?

Les habitats légers, dits aussi habitats réversibles, qui servent de domicile à leurs utilisateurs appartiennent aujourd’hui à deux catégories : les “résidences mobiles constituant l’habitat permanent des gens du voyage” (les tiny houses se situent dans cette catégorie par exemple) et les “résidences démontables constituant l’habitat permanent de leurs utilisateurs” (la yourte par exemple).

Tous les points développés jusqu’ici dans cet article s’appliquent aussi aux habitats réversibles. Pour plus de précisions sur la réglementation spécifique à ces habitats, nous vous invitons à parcourir les articles déjà publiés sur Build Green :

Au-delà du juridique, il est certain que de façon générale les habitats réversibles contribuent à lutter contre l’artificialisation des sols car ne causant pas par eux-mêmes d’artificialisation des sols : ce sont soit des véhicules soit des constructions intégralement démontables n’ayant pas de fondation ou une fondation réversible.

Par contre il faut quand même prêter attention que, sauf exception, un habitat (et a fortiori plusieurs habitats) n’arrive jamais seul : des éléments qu’entraînent sa construction, soit du fait d’une réglementation soit par décision d’ordre politique ou économique, peuvent causer de l’artificialisation des sols ou, de façon plus général, un impact sur le vivant :

6° La rénovation

La rénovation des bâtiments déjà existants pose peu de difficultés juridiques, elle est en principe autorisée partout, quel que soit le territoire (comme on a pu le voir plus haut dans la deuxième partie). Les difficultés les plus courantes sont :

Au-delà du juridique, la rénovation d’un bâtiment existant est certes contrainte par la structure existante mais de nombreux exemples démontrent le vaste champ des possibles présent, que ce soit en termes d’esthétique, de redéfinition des volumes ou de matériaux. De plus, la rénovation est, à taille équivalente, nettement moins consommatrice de matériaux qu’une construction neuve (étude Ademe pdf) et donc plus respectueuse du vivant et la raréfaction des ressources minières. Sans compter les multiples aides à la rénovation énergétique aujourd’hui disponibles et la possibilité de réutiliser les matériaux retirés au cours d’un chantier dans la construction elle-même ou ailleurs (le jardin notamment) !

C’est la démarche que j’ai mené moi-même dans ma propre maison à la campagne (voir vidéo reportage)

7° Ouverture

Pour être accompagné et conseillé dans un projet constructif, vous pouvez vous adresser :

Cet article est issu de la présentation dans le cadre des Jeudi Webinaire dont voici la vidéo

Plus d’infos sur Joris Danthon ci-dessous…

Juriste et formateur-consultant en permaculture Dans le domaine de l’éco-construction et de la permaculture, je propose webinaires, livres et séances de conseil, à découvrir sur le site de l’Atelier Fertile (https://www.atelierfertile.com). J’ai également publié de nombreuses vidéos, à retrouver sur la chaîne Youtube « L’Atelier Fertile » (https://www.youtube.com/c/AtelierFertile)