Bilan-carbone-des-batiments-neufs

Bilan carbone des bâtiments neufs – Analyse statistique des données de l’observatoire E+C-

Vous concevez ou construisez des bâtiments neufs ? Vous voulez contribuer à l’objectif de neutralité carbone de la France en 2050 ?

Cet article explore quelques pistes pour comprendre (et donc réduire !) les émissions de GES dans le secteur du bâtiment neuf en France.

Contexte : Secteur du bâtiment et émissions de GES

Si vous voulez contribuer à la neutralité carbone de notre pays en 2050, on peut dire que vous avez de la chance de travailler dans le secteur du bâtiment car ce secteur est un très gros émetteur de gaz à effet de serre. En 2016, le secteur représentait 33% des émissions de GES de la France : 26% pour la consommation d’énergie dans les bâtiments et 7%(1)pour la fabrication et la fin de vie des matériaux et équipements pour la construction/rénovation.

Repartition-des-emissions-de-GES-du-secteur-du-batiment

Figure 1 : Répartition des émissions de GES du secteur du bâtiment – Source : SNBC 2018

L’objet de cet article est de s’interroger sur ce qui peut être fait pour réduire le bilan carbone des constructions neuves.

Bâtiment neuf : Où se cache le carbone ? 

Qui pèse quoi ?

Le bilan carbone d’un bâtiment neuf (sur un cycle de vie de 50 ans) se décompose en 4 contributeurs : 

      Les produits de construction et équipements (PCE)

      La consommation d’énergie

      La consommation d’eau

      La phase chantier

Toute la question est de savoir quels sont le/les contributeurs qui ont le plus de poids. L’expérimentation E+C- en cours, qui préfigure la future réglementation, nous permet de tirer quelques enseignements sur le bilan carbone des projets neufs via l’observatoire du site http://www.batiment-energiecarbone.fr

Les résultats sur les bureaux et logements collectifs de plus de 500 m2 (les 2 catégories les plus représentées sur l’observatoire avec un total de 85 bâtiments) sont visibles dans les graphiques ci-dessous :

Figure 2 : Impact de chaque contributeur sur le bilan Carbone – Taille de l’échantillon : 85 bâtiments (logements collectifs et bureaux > 500 m2)

D’après l’analyse des données de l’observatoire, on peut donc tirer les enseignements suivants : 

  • 1 m2 construit émet en moyenne 1,35 Tonne CO2/m2sur son cycle de vie
  • 2 contributeurs : PCE et Énergie se partagent 95% du bilan carbone total
  • Le contributeur PCE a un impact 2 fois plus élevé que le contributeur énergie

Si l’on veut diminuer le bilan carbone d’un projet neuf, cela passe donc en priorité par diminuer l’impact des produits de construction et équipements que l’on emploie.Il faut ensuite s’attaquer au contributeur énergie via la réduction des consommations et le recours à des énergies peu carbonées.

Le carbone dans les produits de construction et équipements

 On vient de voir que le contributeur PCE est le plus impactant. Voyons comment l’impact de ce contributeur se répartit, en moyenne, entre les différents lots de construction : 

part-chaque-lot-dans-indicateur-Eges-PCE

Figure 3 Part de chaque lot dans l’indicateur EgesPCE – Taille de l’échantillon : 37 bâtiments (logements collectifs et bureaux > 500 m2)

Même s’il n’est pas hégémonique, on peut voir que le lot « Superstructure » a un impact qui se démarque des autres lots (21% en moyenne). D’autant plus que ce dernier influe directement sur le dimensionnement du lot Infrastructure et fondations (et donc l’impact carbone associé).

part-chaque-lot-dans-indicateur-Eges-PCE-3

Derrière, un peloton constitué des lots « Chauffage Ventilation Climatisation (CVC) », « Infrastructure et fondations », « Revêtements de sols murs et plafonds », « Voirie Réseaux Divers (VRD) » et « Façades et menuiseries extérieures » arrive en seconde position avec un impact moyen de l’ordre de 10%.

Note : En l’absence de données environnementales sur les produits, les lots techniques sont majoritairement saisis de manière forfaitaire (méthode aux ratios), ce qui peut influer sur la précision du résultat sur ces lots (à la hausse ou à la baisse). 

Le carbone dans les consommations d’énergie

Malheureusement, les données de l’observatoire de permettent pas d’obtenir la contribution de chaque poste énergétique au bilan carbone global par projet. L’analyse via le prisme des données de l’observatoire E+C- n’est donc pas possible. 

Quelques gisements d’économie de carbone dans les produits de construction

Levier 1 : Sobriété dans la programmation immobilière

Étant donné que chaque mètre carré construit émet en moyenne 1,35 Tonne de CO2, une première piste est de remettre en question la nécessité de construire du neuf pour satisfaire un besoin : N’y a-t-il pas des locaux existants que l’on puisse utiliser/rénover pour satisfaire le besoin en question ? 

Une fois passé cette étape, il est important de ne pas surévaluer les besoins en termes de surface neuve à bâtir : Quelle est la juste quantité de surface neuve nécessaire à la satisfaction du besoin ?

Levier 2 : Recourir à des modes constructifs plus sobres en carbone

Puisqu’on a vu que le lot superstructure est le plus gros contributeur au bilan carbone des produits de construction et équipements, voyons comment cet indicateur varie en fonction du mode constructif principal utilisé :

Indicateur-Eges-en-fonction-du-type-de-materiau

Figure 4 Indicateur Eges PCE en fonction du type de matériau principal et de la typologie de bâtiment – Taille de l’échantillon : 134 bâtiments (logements collectifs et bureaux > 500 m2)

Pour les bureaux et les logements collectifs, les deux modes constructifs les plus représentés sur l’observatoire sont le béton et le bois. On constate une diminution du bilan carbone du contributeur PCE de -23% par rapport au béton lorsque le matériau principal est du bois(que ce soit pour les bureaux ou les logements collectifs).

Pour les logements collectifs (échantillon de données beaucoup plus important), le recours à un mode constructif mixte bois-béton et la terre cuite (brique) permet une diminution respective de -17%et de -8%par rapport à des logements collectifs en béton.

Levier 3 : Interroger différentes variantes de matériaux 

Pour réaliser un bâtiment neuf sobre en carbone, nous venons de voir qu’il devenait indispensable d’ajouter le bilan carbone comme critère de choix des matériaux de construction.

En fonction des possibilités technico-économiques, réglementaires et architecturales il est possible, rapide et très facile (en prenant certaines précautions méthodologiques) de faire de telles variantes sur les lots les plus impactant. Ceci se fait via la base de données INIES.

Exemple : Comparaison du bilan carbone entre différents bardages

comparatif-bardages-selon-indicateur-bilan-carbone

Figure 5 : Comparaison de différents bardages à travers le prisme du bilan carbone

Ce type d’approche est désormais à systématiser, au moins pour les lots principaux : Matériaux de structure, bardages extérieurs, types de menuiserie, revêtements de sols, choix de l’isolant… 

Conclusion

L’analyse des données de l’observatoire E+C- permet de conclure que le bilan carbone d’un bâtiment neuf est très largement polarisé sur les matériaux de construction et les équipements qui le constituent (63%). Parmi ceux-ci, le lot structure est celui qui a l’impact le plus important (21%).

Ce constat est d’autant plus vrai quand l’ambition énergétique du projet est forte. Sur les projets de niveau E3 (barème E+C-), le contributeur PCE représente en moyenne près de 70% du bilan carbone total.

Cela n’a donc plus de sens de clamer la vertu environnementale d’un projet neuf dont la performance porte essentiellement sur les aspects énergétiques.

Il est donc temps que les professionnels soucieux de construire des bâtiments plus sobres en carbone intègrent cette composante dans le choix des matériaux et produits employés. Cette analyse peut être faite grâce à des outils d’analyse de cycle de vie et/ou via la consultation des données environnementales des produits de construction sur la base INIES (pas besoin de logiciel, pas d’excuse !).

Emerson CABANE, Ingénieur en bâtiment

Sources : 

(1)  http://www.carbone4.com/wp-content/uploads/2019/07/Publication-neutralité-et-batiment-Carbone-4-ADEME.pdf

Off : 

→ Question bonus ! Saurez-vous identifier le seul bâtiment dont l’impact du chantier sur le bilan carbone est supérieur à 10% ?  (Indice : Ce résultat est rendu possible grâce à la très faible part des contributeurs matériaux et énergie) → Réponse ici !

Note sur les données et illustrations utilisées : 

Les données qui ont servi à l’élaboration de cet article sont issues de l’observatoire E+C- au 11/07/2019. Leur fiabilité dépend essentiellement de la rigueur avec laquelle l’étude E+C- a été réalisée. La taille relativement importante des échantillons permet tout de même d’identifier des grandes tendances. Cette taille varie selon le type d’analyse en raison des disponibilités et de l’organisation des données dans le fichier statistique de l’observatoire.

Ces données représentent les catégories bureaux et logements collectifs de plus de 500 m2. Les saisies anormales repérées ont été exclues (taux de surface vitrée < 3%, impact du lot superstructure < 3%…).

Illustration : Pixabay

Emerson Cabane
Ingénieur en bâtiment, spécialisé sur les sujets de développement durable appliqués au secteur de la construction. J'accompagne les acteurs de la construction vers plus de durabilité.

5 réflexions sur “Bilan carbone des bâtiments neufs – Analyse statistique des données de l’observatoire E+C-

  1. Bonjour,

    Et le transport dans tout ça ? On ne site jamais les GES émis par le transport en phase chantier, dommage car ça doit peser dans la balance. Savez-vous où trouver cette info ?

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