Si on connaît assez bien l’usage du papier dans le bâtiment, avec la ouate de cellulose, un matériau, dans le même esprit d’économie circulaire, pourrait faire sa part du lion dans la construction, comme dans la rénovation : le carton !
Dans les alternatives aux matériaux conventionnels énergivores (comme le béton ou les laines minérales), le carton a une place à prendre pour ses nombreux atouts. Ce concept s’est fait connaître en Europe par l’entreprise néerlandaise Fiction Factory avec sa Wikklehouse, un concept modulaire évolutif très design.
A l’origine, du carton
Le terme carton désigne certains types de papiers généralement caractérisés par une rigidité, une épaisseur et/ou un grammage relativement élevés. Depuis les premiers procédés, qui consistaient généralement à contrecoller des couches de papier, les techniques ont évolué pour satisfaire des besoins variés de résistance et d’aspect.
Le carton s’utilise principalement dans l’emballage, pour expédier les colis, mais aussi comme protection ou comme support (palettes, plots). Le secteur de l’alimentation et de l’industrie pharmaceutique apprécient particulièrement sa qualité environnementale. Il a été beaucoup apprécié dès le 20e siècle par les designers pour du mobilier, de la décoration, des encadrements, de la publicité (PLV, présentoirs) et même le maquettisme.
Il a fait l’objet de nombreuses études pour des développements industriels. La maîtrise de sa fabrication est tenue par une quinzaine de groupes en France dont une grande majorité ont leur siège à l’étranger.
Dans le bâtiment, le carton est apprécié pour ses qualités d’isolant phonique, mécanique et électrique.
Dans le bâtiment, 2 types de cartons sont utilisés :
- le carton alvéolaire ou nid d’abeille (utilisé pour les cloisons notamment)
- le carton ondulé
C’est de cette dernière technologie que l’inventeur, Hubert Lé (à gauche) créé un matériau à base de carton nommé Ipac, pour lequel il dépose un brevet. En 2010, Alain Marboeuf (à droite) découvre le concept, puis créé la société Bat’Ipac qui reprend le brevet et développe toute une gamme de produits de construction en carton, en partenariat avec le fabricant de carton DS Smith Packaging.
Les qualités techniques et écologiques du carton en construction
La gamme de matériaux Ipac (isolant porteur alvéolé carton) a été composée à partir de carton ondulé autoportant, qui fait également office d’isolant thermique et phonique. Les lamelles de carton sont prises en sandwich entre deux plaques de polypropylène alvéolaire recyclé, aussi appelées membranes Aquilux. Un moyen de garantir la résistance à l’eau du produit.
Le matériau de base est d’origine 100% recyclée mais surtout 100% recyclable, jusqu’à 9 fois sans apport de matière neuve ! Pour parfaire l’origine biosourcée du produit, les feuilles de cartons sont collées avec de l’amidon de maïs et de blé.
Les panneaux affichent une densité de 91 kg par m3 et pèse 28,61 kg par m2, pour une épaisseur comprise entre 50 et 250 mm. Non allergène (sans COV), ce matériau sain est constitué essentiellement de carton recyclé.
Concernant la résistance au feu, les panneaux ne s’enflamment pas, mais se consument. Les matériaux ajoutés lors de la phase de construction, comme les plaques de plâtre, peuvent réduire la vitesse de propagation. Autre atout en terme de sécurité, tout comme le bois, le carton se comporte très bien face aux séismes. Sa légèreté est aussi à mettre à son actif dans le transport et la manipulation.
Ses caractéristiques techniques pour 200 mm d’épaisseur :
Conductivité thermique : 0,03 W/mK
Résistance thermique : 6.6 m².k/W
Déphasage : 15 heures
Performance acoustique : Affaiblissement aux bruits aériens des façades de plus de 44 décibels
Résistance mécanique : 3 Tonnes de charge et 1000 Newton mètre de raideur
Au delà de ces aspects écologiques, l’entreprise Bat’Ipac a fait le choix de confier la production de ses panneaux à des personnes fragilisées par leur situation économique, sociale, ou personnelle dans les but de les aider à se (ré)intégrer via une structure d’insertion. Un engagement social fort, qu’il est important de souligner.
Les solutions techniques Ipac
Différents types de panneaux sont disponibles pour répondre à des besoins de construction ou rénovation de murs (ITI, ITE), toits (ITI, sarking), planchers ou cloisons de distribution d’un bâtiment. Le produit peut être mise en place dans le cadre d’une construction, d’un agrandissement ou d’une surélévation pour tous types de bâtiments.
Les panneaux Ipac ont déjà été utilisés dans plusieurs dizaines de projets et retenus par de nombreux professionnels comme solution d’avenir pour des bâtiments sur mesure ou dans le cadre de chantier hors site. C’est aussi le cas notamment du fabricant de chalet de jardin habitable, Mon Alvéole, qui propose une gamme de modules de 10 à 20m² adaptés à tous types d’activités : bureau, maison d’hôte, cabinet de praticien, salle de sport ou espace événementiel.
Autre exemple, le projet « L’ArchiPEP’S » réalisé à Angers (FR-49), avait pour objectif de créer un bâtiment tertiaire unique en France, de près de 400m² et 11 mètres de haut, construit à 100% en IPAC® (Murs, Toiture, Plancher, Cloisons). Bâtiment démonstrateur, il est une manière d’aborder la construction, dans une approche d’économie circulaire, d’utilisation de matériaux réellement biosourcés et innovants, de production d’énergie, avec une approche sociétale et environnementale au coeur du projet.
Construit avec des fondations en techno pieux sur une majeure partie de sa longueur, afin de limiter au maximum l’impact sur l’environnement et l’apport de béton extérieur, le bâtiment fait donc appel à la technique innovante d’isolation en carton compressée IPAC. L’Agence Résonance Urbanisme & Paysage (ex Vu d’ici) y a implanté ses bureaux après avoir collaboré avec Ched architectes sur la conception.
L’objectif des dirigeants est de mailler le territoire d’unités de production, avec une même stratégie d’insertion sociale, en circuit court pour des produits conçus dans une démarche circulaire. Une normalisation du produit auprès du CSTB ainsi qu’une fiche de données environnementales et sanitaires (FDES) sont en cours pour répondre à toutes les exigences assurantielles et réglementaires.
A savoir : BAT’IPAC a reçu 2 lauréats d’or aux Awards de l’Innovation pour son panneau isolant à partir de carton recyclé IPAC® organisés lors de du salon Batimat 2022 pour :
- La catégorie métier « Gros Œuvre »
- La catégorie transversale « Transformer les méthodes »
Bat’ipac est aussi labellisée « Solar Impulse Efficient Solution » de la Solar Impulse Foundation pour ses performances parmi les meilleures du marché.
Notre avis : l’isolation Ipac est une bonne solution dans le cadre d’une massification en rénovation (pour des logements sociaux, immeubles), pour la conversion de constructeurs traditionnels à des matériaux biosourcés, ou des modules de construction hors site. La solution peut aussi être intéressante dans le cadre d’un agrandissement ou d’une surélévation du fait de sa légèreté et de sa flexibilité. Une bonne alternative au bois, qui ne pourra pas remplacer toutes les constructions en brique et parpaings !
Pour rassurer les maîtres d’œuvre et d’ouvrage, si le label Solar Impulse a un intérêt (discutable), l’obtention du label « Produit Biosourcé » se prêterait tout à fait à ce type de matériau. Une attention particulière sera à porter sur la gestion de l’humidité (mais cela vaut pour tous les matériaux biosourcés), à la conception, à la pose et à l’usage.
Ce concept ne doit pas faire oublier que d’autres matériaux biosourcés ou solutions géosourcées, d’origine locale et dans une logique de circuit court, avec un meilleur bilan carbone (souvent positif), sont aussi à disposition des maîtres d’ouvrage, en construction comme en rénovation.
A noter enfin, qu’il existe aussi deux autres isolants à base de carton recyclé, l’un sous forme de ouate de cellulose, fabriqué par Novidem, particulièrement adapté à la rénovation énergétique, en soufflage en comble perdu ou sous-rampant, et l’autre concurrent direct du produit présenté ci-dessus : RECYCART-on !
Crédits images : Bat’ipac et Ipac
D’un point de vue purement technique, c’est intéressant.
D’un point de vue économique, ça ne l’est pas du tout, qui irait dépenser autant pour si peu, hormis quelqu’un dépensant sans compter (ce qui se fait rare et représente une petite minorité), près de 24 000€ pour 9M2 sans aménagement, et 35 000€ pour une cuisine+toilettes+douche dignes d’un studio ?
Certes, ça ne se montera pas en un jour, mais les solutions beaucoup bien moins onéreuses ne manquent pas, et c’est là que les particuliers et entreprises, encore plus en situation de crise, iront regarder en premier.
@Florian, Je ne connais pas les prix au m2 de ce produit, mais que comprend les prix que vous indiquez ?
Il faut pouvoir isoler le prix de l’isolant en carton pour bien évaluer son impact
Pour connaître un peu les prix des modules pour jardin ou tiny house, ce n’est pas si délirant, on est dans la fourchette moyenne.
Sensible aux bouleversements climatiques et autres impacts liés au sourcing, à la recyclabilité, je salue ce produit novateur et qui explore des pistes assez peu fréquentées et lui souhaite un avenir radieux.
Certes et comme tout ce qui est nouveau, récent, il faut espérer des gains d’échelle et des certifications rapides (hélas, « certification » et « rapide » sont deux mots très souvent incompatibles…) pour que le public et les industriels se l’approprient, les concepteur et constructeurs ou aménageurs suivront, ça semble évident…
Un autre point, mais qui vaut pour tous les produits… la disponibilité de ressources.
Ce dernier point m’incite à espérer que ce produit se substituera à d’autres et ne viendra pas engendrer ses propres débouchés, lesquels augmenteraient alors la consommation globale de ressources et la participation aux bouleversements climatiques…