Build Green a été l’invité du podcast The Big Shift pour parler Habitat écologique. Un moment de partage et d’échange fructueux sur les thèmes des défis climatiques, du choix du type d’habitat et des matériaux, les habitats légers (type tiny house ou yourte), ou comment se prémunir des arnaques dans le bâtiment. En plus de l’interview en podcast, voici un résumé de cette interview et les sources des différentes informations communiquées.
Le podcast du Big Shift, interview réalisée par Célia KISSO DIT DUMAS :
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Les 3 défis pour les années à venir
1/ un défi environnemental
Il est maintenant confirmé par le Giec que l’homme est responsable des principales émissions de GES, qui ont pour conséquences des dérèglements climatiques. Or l’Europe nous impose un objectif de réduction des émissions d’au moins 55 % à l’horizon 2030.
- le dérèglement climatique engendre des besoins supplémentaires en énergie (hiver comme été)
- les phénomènes climatiques (tempêtes, pluies, grêles, canicules) nécessitent une plus grande durabilité des biens, un meilleur choix d’emplacement
- le manque d’eau : de + en + tôt dans l’année. défi en approvisionnement
- conséquences aussi sur le bâti dans les zones argileuses (fissures, affaissements, …)
- la problématique de la mauvaise recyclabilité de nombreux matériaux (plastiques, polystyrènes, polyuréthane, des laines minérales, colles, …) qui deviennent des déchets qu’il faut donc traiter.
Cela va engendrer des surcoûts et des besoins en matériaux importants.
2/ le manque de ressources
Nous sommes dans un monde fini où les ressources ne sont pas inépuisables, avec un jour de dépassement des besoins en ressources de plus en plus tôt dans l’année.
- les conflits internationaux impactent sur la disponibilité et les cours des matériaux
- nous atteignons des pics (pic de Hubert) entre nos besoins et nos ressources sur de nombreux matériaux (bois, sable, pétrole, métaux rares, …)
Cela va être le cas par exemple pour le lithium qui va manquer pour les batteries (panneaux solaires) - de nombreux matériaux demandes beaucoup d’énergie pour les fabriquer (laines minérales, briques de terre cuite, ciment) ou même les transporter ou les recycler
- plus de besoins en énergie (électricité notamment) hausse des coûts (chauffage et l’eau chaude)
Cela engendre :
- une recherche d’autonomie et de résilience
- un besoin en amélioration du confort thermique
3/ l’impact sanitaire
- De nombreux matériaux polluent l’environnement
- de leur fabrication à leur recyclage (à base pétro-chimique notamment, …)
- Certains revêtements et isolants contiennent des polluants
- adjuvants, colles, COV, …
- c’est le cas de l’amiante (toiture fibro-ciment, revêtements et isolants), de la silice dans le sable (béton et laines minérales), de phtalates dans les plastiques, etc …
- Qu’on retrouve dans l’air intérieur, dans les eaux usées (et même l’eau courante).
Il nous faut donc prendre en compte ces 3 paramètres dans le choix de son habitat, de son emplacement (ville, périurbain, campagne), de son exposition, de sa conception, de ses matériaux, …
Que préconiser en matière d’habitat : individuel ou collectif ?
La loi Climat et résilience préconise le Zéro artificialisation nette d’ici à 2050 pour compenser des zones constructibles par des zones naturelles et humides.
=> Cela veut dire moins de construction.
=> La plupart des plans locaux d’urbanisme prévoient une nette diminution des terrains constructibles hors agglomération, notamment dans les hameaux (plus de dents creuses).
C’est une bonne chose pour la préservation de la biodiversité.
=> Mais cela nous demande de revoir complètement l’urbanisation des villes.
En construction, le collectif est à privilégier. Nous le disons depuis 5 ans sur BG !
Mais il faut revoir nos façons de construire :
- + d’espace vert, pas seulement pour les jardins d’enfants, aussi pour des potagers (résilience)
- + d’espace dans les logements, notamment pour inclure le télétravail, le vieillissement de la pop
- + de mutualisation des espaces mais aussi des biens (robot ménager, outillage, voiture, vélo, …)
Cela peut se concrétiser par plusieurs types de co-habitats :
- des habitats partagés, collaboratifs ou groupés => habitats participatifs
- des éco-hameaux ou éco-quartiers
- des écolieux en milieu rural
Il faut aussi réorganiser tout l’environnement de ces habitats :
- revoir les transports
- développer des tiers lieux qui vont apporter des espaces pour de l’activité économique et culturelle
- dynamiser le commerce de proximité -> centres commerciaux = voiture & surconsommation
Et pour tout projet d’habitat, vaut-il mieux construire ou rénover ?
Alors, jusqu’ici, on calculait l’impact environnemental d’un bâtiment sur ses émissions de gaz à effet de serre (RT 2012), lors de son exploitation au quotidien durant de sa vie : le chauffage, la climatisation, l’électricité des équipements et de l’électroménager. C’est seulement depuis quelques années, qu’on prend désormais en compte son impact plus global, de sa conception à son recyclage (quand c’est possible).
C’est ce qu’on appelle l‘analyse de cycle de vie, calculée généralement sur une durée de 50 ans.
Par ailleurs, l’Ademe (pdf) a fait une excellent étude en 2019, pour comparer l’impact d’une construction à celui d’une rénovation de niveau BBC (Bâtiment Basse Consommation) et le résultat est sans appel : « la quantité de matériau à mobiliser en t/m2, entre une construction neuve et la rénovation d’un logement est 40 à 80 fois plus important pour le neuf, selon sa typologie ». A partir de là, la question ne se pose plus ! On n’a pratiquement tout dit, il faut limiter la construction, car elle demande plus de ressources.
La construction a d’autres inconvénients :
- l’artificialisation des terres (dalles bétons, disparition des zones humides utiles à la biodiversité)
- des coûts financiers cachés : du foncier, du Permis de construire et des raccordements
- la valorisation du bien va devenir de plus en plus compliquée en fonction des choix réalisés
- presqu’aucune aide financière
La rénovation présente aussi ses inconvénients :
- le coût d’acquisition (privilégier les DPE F et G dont les prix sont en chute et les biens en hausse)
- la conception d’origine demande souvent de nombreuses adaptations (dans l’aménagement, pour le confort thermique)
- les vices cachés (humidité, terrain argileux, fuites, mauvais calculs de portance, …)
- le coût et surtout le temps des travaux, qu’on sous-estime largement
Attention à l’achat de bien réalisé en auto-construction sur lesquelles les malfaçons sont très (trop) régulières. Il n’y a pas de garantie !
Par contre, il existe de nombreuses aides financières pour la rénovation thermique des bâtiments, mais uniquement si vous faites appel à des professionnels (les fameux RGE).
Je vous renvoie vers nos nombreux articles sur le sujet construire ou rénover où on détaille point par point les intérêts de chacun …
Que penser des habitats légers de type tiny house ou yourte ?
C’est une mode de vie qui va s’inscrire dans le temps :
- pour des raisons financières évidentes
- et parce que c’est un rêve de liberté et d’évasion (mais souvent très illusoire)
Mais je pense qu’il faut être vigilant sur plusieurs points :
- sur la biodiversité (préservation et abus)
- sur le choix de l’emplacement avant tout engagement (construction tiny ou achat yourte)
- sur les besoins en eau, énergie, assainissement (bien jauger son autonomie)
- sur la mobilité (et son impact) et la réversibilité de l’habitat
- voir nos articles sur les tiny house écologiques, les yourtes contemporaines et les avantages et inconvénients d’une tiny house
Je conseillerai plutôt :
- de s’installer dans des villages de tiny house, des éco-hameaux ou des hameaux légers
- de favoriser les zones Stecal rendues possible par la loi Alur dans les PLU (plan local d’urbanisme)
Je vous invite à se rapprocher de l’association Hameaux légers pour en savoir plus.
Nous avons de nombreux articles sur Build Green, notamment sur la réglementation (urbanisme) et ces différents modes d’habitat.
Quel est l’impact du choix des matériaux dans un projet ?
Tout d’abord le choix des matériaux et des solutions techniques ne doit venir que dans un second temps.
Il faut d’abord avoir une vision d’ensemble : conception (bioclimatisme, vernaculaire ou biophilique)
Ensuite on peut se tourner vers des concepts déjà éprouvés :
- la maison bois terre paille – le meilleur bilan carbone et recyclable sur place
- les earthship (matériaux recyclé, bioclimatique) ou earthbag (sac de terre)
- la maison en containers recyclés mais attention à l’origine des conteneurs
- la préfabrication industrielle (le hors-site) mais avec des matériaux biosourcés
Quelques points sur lesquels s’attarder, si on veut réaliser un habitat écologique (construction ou rénovation) :
- penser réversibilité (transformer, déménager ou recycler)
- rechercher la sobriété avec des solutions low-tech, qui demandent peu d’énergie à produire, à exploiter, à entretenir et à recycler
- faire le choix de matériaux biosourcés et géosourcés (confort thermique, recyclabilité)
- être le plus résilient possible pour ne dépendre de personne : autonomie en eau, énergie, alimentation
- pour aller plus loin, voir notre article sur la définition d’un habitat écologique.
Comment se prémunir des arnaques en construction et rénovation dites écologiques ?
Dans le cadre d’une rénovation globale ou d’une construction, donc des travaux important, il est conseillé de ne pas se fier aux labels RGE (Reconnu Garant de l’Environnement) ou Eco-artisan car ce ne sont absolument pas des gages de qualité. Un artisan ou un professionnel de son secteur va forcément privilégier ses solutions, il aura assez peu de recul sur l’ensemble du bâti.
Il faut donc se faire accompagner par des professionnels, par exemples :
- des architectes signataire du manifeste de la frugalité heureuse et créative ,
- le réseau des habitologues qui ont une vision globale du bâti dans l’ancien
- des artisans ou professionnels qui affichent clairement leur engagement environnemental ou écologique
Cela a un coût mais que vous retrouverez au final par les choix qui ont été fait et qui permettront de faire des économies d’énergie, d’avoir plus de confort et de préserver votre santé.
Vous pouvez vous fier à notre annuaire des professionnels de l’éco-habitat. Des professionnels sélectionnés pour leur engagement écologique, formés aux différentes techniques d’éco-construction.
Merci à Celia pour sa gentillesse et son interview.
Plus d’infos sur The Big Shift.
Crédits Photos : Bogdan Radu de Pixabay, Pascal Faucompré
Concernant l’habitat léger, une autre piste pour limiter l’étalement concerne les implantations en BIMBY (ou fonds de jardin). Cela permet de densifier sobrement, d’aller vers un peu plus de collectif et de potentiellement simplifier les démarches.
@Jérémy : c’est effectivement une idée très répandue mais qui malheureusement, légalement est compliquée pour une implantation permanente (au-delà de 3 mois) :
– le terrain doit être sur une zone constructible
– il faut déposer une demande de déclaration préalable pour un bien inférieur à 20m² ou un permis de construire au-delà
– il faut raccorder la tiny à l’assainissement collectif ou individuel
Et surtout ne pas croire que parce que vous allez changer d’emplacement sur le terrain tous les 3 mois est légal.
Joris Danthon nous avait écrit un bel article à ce sujet
Bien sûr l’idée n’est pas de changer tous les 3 mois d’emplacement sur le terrain, il faut oublier ce mythe.
Mais au delà des demandes d’autorisations et raccordements inhérents à toutes constructions, je pense surtout que c’est une difficulté culturelle, mais certains propriétaires (et collectivités! nous travaillons le sujet avec elles) commencent à y penser.
Niveau raccordement, c’est surtout l’assainissement qui peut être compliqué, et là dessus c’est sûr qu’il faudrait faire progresser les choses et que les SPANC autorisent peut-être plus facilement les « Phytotiny » ou équivalent.
Il n’en demeure pas moins que les freins sont là et dans la majorité des cas le projet est abandonné compte tenu des difficultés, ou dans l’illégalité pour les autres.
Oui, tout à fait d’accord, il faut être très au fait là dessus en tant que -futur- habitant « léger ». Je préfère cependant conclure sur une note d’optimisme : c’est assez récent, la situation évolue, et il faut continuer de travailler à son évolution. Qui aurait imaginé des projets type hameaux légers il y a encore quelques années.
Sans promouvoir l’illégalité, certaines installations permettent d’enfoncer des portes. La collectivité ne se serait pas interrogée si elle n’avait pas constaté sur son territoire ces problématiques d’installation face à une crise d’accès au logement.
Petite note également concernant la mention « tous favorisés par les zones Stecal » : sauf erreur de ma part, le Ty Village et les Hameaux Légers ne sont pas en zone Stecal mais en zones U. Les zones STECAL sont très -trop- compliquées à mettre en oeuvre. Par contre oui, la loi Alur a probablement favorisé.
Bien sûr, nous souhaitons que ce type d’habitat se développe, mais dans les règles. C’est aussi une question de protection de la biodiversité. Car comme je le dis dans le podcast beaucoup de gens ont de bonnes intentions, mais d’autres le sont moins et surtout, avec le temps, on oublie certaines règles de base.
Pour le ty-village, c’est un terrain en zone urbaine donc constructible et pour les hameaux légers, la plupart du temps la négociation se fait sur des terrains constructibles (notamment Plessé)
Donc, forcer le destin est un risque qu’on peut prendre, mais au final ce sera toujours le tribunal qui aura le dernier mot et appliquera les règles en vigueur. Et cela peut coûter très cher !