Il l’a fait ! Cet ingénieur Géo trouvetout vient de terminer son tour du monde des low-tech. Corentin de Chatelperron a réalisé 25 escales pour document plus de 50 solutions low-tech à bord du Nomade des mers, navire de l’association Low-tech Lab, rentré le 25 juin 2022 à son port d’attache, Concarneau
Un tour du monde des low-tech
Avant de poursuivre ce tour du monde, Corentin a embarqué seul pendant 4 mois en 2018 au large de la Thaïlande, à bord d’une plateforme flottante de 70m². Ce projet nommé « Biosphère » sur un radeau de bambous avec à bord une série de low-tech, pour expérimenter la vie sans contrainte, en quête d’un équilibre entre écosystème et besoins primaires et entre autonomie et ergonomie.
« Parti le 26 février 2016, le Nomade des mers s’est donné comme mission d’identifier, d’expérimenter et de transmettre ces « low-tech », objets qui intègrent la technologie selon trois grands principes : être utile, accessible et durable. Tous les partages d’expériences relatifs aux low-tech ont abouti à faire évoluer l’autonomie à bord du bateau d’une part et d’autre part à faire émerger une myriade d’initiatives individuelles ou collectives, dans des contextes géographiques variés. » nous explique t-on dans un communiqué
Aujourd’hui, au terme de six années d’expédition, il apparaissait indispensable d’associer au retour du bateau, un Festival low-tech implanté sur 1600 m2 à Concarneau. Le festival voulait rendre concret le mode de vie low-tech.
Un festival en point d’orgue
Le grand public a donc eu l’occasion de se plonger dans l’univers des low-tech en visitant le village des innovations low-tech quai d’Aiguillon, à deux pas de la Ville close.
Le catamaran-laboratoire « Nomade des mers« , ainsi que l’habitat low-tech (une tiny house) étaient ouverts à la visite tous les jours, pour permettre à chacun de se projeter dans un écosystème fonctionnel de low-tech. Des expositions rétrospectives des grands projets de l’association Low-tech Lab amenaient le public à découvrir les enjeux du numérique low-tech, mais également à partir à la rencontre des premières organisations qui diffusent la low-tech à plus grande échelle. Une exposition photos retraçait les principales escales du tour du monde pour l’occasion.
Conférences, projections de films, démonstrations de cuisine low-tech, de fours solaires, de poêle bouilleur, mais également village des acteurs low-tech animait pendant neuf jours le port de Concarneau. Les grands acteurs du mouvement se mobiliseront pour venir présenter toute la richesse des innovations low-tech et sensibiliser le plus grand nombre. Parmi eux, Lytefire, Entofly, la fédération française des spiruliniers, Atelier Paysan, etc.
Un essaimage internationale des low-tech
Depuis 2013, l’association fonctionne sur un principe d’alternance entre phases d’explorations et d’expérimentations. Tout autour du monde, les projets se multiplient, symbole de la vitalité et du dynamisme du mouvement low-tech. Dans le sillage des recherches et du recensement du Low-tech Lab, dont le siège est situé à Concarneau (Finistère), de nombreuses communautés locales ont vu le jour en France (notamment à Grenoble, Paris, Marseille, Bordeaux et Briançon) mais aussi au Cameroun, en Suisse, au Luxembourg et au Canada. Aujourd’hui, 790 initiatives sont référencées dans 85 pays.
L’équipe de l’association est allée sillonner les routes de France pour identifier les low-technologies adaptées à la vie occidentale pour permettre des habitats moins énergivores et plus durables. De ce tour de métropole est né le projet d’un prototype d’habitat low-tech dans lequel Clément Chabot et Pierre-Alain Lévêque ont vécu pendant un an.
En parallèle, l’association met à disposition des outils collaboratifs : outre la plate-forme de tutoriels, elle a lancé un annuaire participatif pour référencer les low-tech dans le monde. Parce que les low-technologies permettent à chacun de répondre à son besoin de base – habitat, production d’énergie, eau, gestion des déchets, … – le Low-tech Lab s’est donné pour mission depuis sa création de dénicher, documenter et partager les techniques et savoir-faire low-tech, gratuitement et en open source. Un frigo sans électricité au Maroc, un élevage de grillons en Thaïlande, un concentrateur solaire en Normandie ou une technique de conservation ancestrale …
Testées, améliorées, documentées et partagées sous la forme de tutoriels, ces connaissances alimentent une plate-forme open source collaborative (le wiki) qui comptent aujourd’hui plus de 150 tutoriels pas-à-pas pour permettre à chacun de reproduire chez soi la low-tech.
Enfin, plus récemment, l’association s’est intéressée aux leviers de passages à l’échelle de la démarche en allant à la rencontre des premières organisations qui font de la low-tech une action non plus individuelle mais collective, voire, entrepreneuriale.
Des solutions low-tech au service de la sobriété territoriale
L’aventure est loin d’être terminée puisque plusieurs initiatives voient le jour poussées par le désir d’appliquer et de continuer à expérimenter.
Ainsi, un appel à projet, mené conjointement par l’Ademe, la Région Bretagne, Concarneau Cornouaille Agglomération et le Low-tech Lab a été lancé, nommé : « les solutions low-tech au service de la sobriété territoriale ». De juin 2022 à décembre 2023, les structures du territoire de Concarneau Cornouaille Agglomération sélectionnées seront accompagnées dans une démarche de gain de sobriété au moyen de réaménagements et d’outils low-tech. Cet engagement marque une nouvelle étape dans la volonté d’ancrage territorial souhaité par le Low-tech Lab.
Biosphère, capsule en milieu aride
Après ces six années au tour du monde, durant lesquelles les systèmes ont prouvé leur fiabilité, le binôme Corentin de Chatelperron et Caroline Pultz se lancent dans une nouvelle aventure, cette fois-ci accompagnés pas à pas par une variété d’experts à terre, dont les travaux seront appliqués et éprouvés au sein de cette cellule de vie dont l’installation est prévue pour l’hiver 2022.
La Basse-Californie (Mexique) est le lieu qui a été choisi pour installer leur base de campement. Là-bas y fusionne les problématiques de l’évolution climatique actuelle. Pour Corentin et Caroline, il semble indispensable de composer avec les tendances que nous observons et d’anticiper l’habitat du futur au regard des températures croissantes.
Ce postulat tourne le dos aux considérations pessimistes qui prédisent la déstabilisation de l’être humain dans un contexte de grande sécheresse. Suivant un objectif de résilience, et à l’image d’un concept-car, cette biosphère souhaite faire coïncider outils sains, pérennes et désirables. Pour cette nouvelle étape, “Biosphère, capsule en milieu aride” cherche à dissocier l’image archaïque parfois apposée aux low-tech afin d’écrire un futur qui se conjugue avec sobriété.
Enfin, le tour du monde du Nomade des mers a fait objet d’une série documentaire « Nomade des mers, les escales de l’innovation » diffusée sur ARTE en 2018 et 2021. Convaincue de l’intérêt que représente l’expérimentation, la chaîne ARTE est partie prenante pour suivre Corentin et Caroline dans cette aventure. Les formes que prendront cette nouvelle collaboration seront dévoilées dans les prochains mois.
Mais au final pour quoi faire ?
On ne peut être qu’admiratif devant ce travail fourni par le Low Tech Lab pour dénicher, répertorier, divulguer, ces savoirs de par le monde. Des solutions low-tech que tout à chacun peut bricoler chez soi, avec un bout de ficelle, trois planches de bois, quelques clous et beaucoup d’imagination. Des formations fleurissent partout en France pour réaliser sa propre éolienne (qui produira au mieux 20 kw à l’année), son four solaire (si le soleil n’est pas capricieux) ou son frigo du désert (efficace tant qu’il n’y a pas de canicule).
Alors, oui, c’est peut être caricatural, mais cela “ne mange pas de pain”. Ce qui compte c’est cet esprit de partage, cette envie insatiable de vouloir réduire son impact environnemental, de plus d’autonomie énergétique ou alimentaire, et de résilience face aux défis climatiques qui nous attendent. Une mouvance parfaitement compatible avec les habitats légers, dans un éco-hameau ou un écolieu, ou tout simplement dans sa maison bois terre paille.
Il y aura toujours des freins à leur adoption par les geeks avides de technologie, par les mauvais bricoleurs ou les clinquants pavaneurs ! Toutefois, il est fort à parier que le manque de ressources, de disponibilités de certains produits et donc l’explosion de leurs prix poussent nombre d’entre nous à s’intéresser à ces low-tech.
Et puis si l’envie venait à des entreprises de s’emparer du marché pour proposer leur propre solution low-tech (en kit tant qu’à faire), et bien pourquoi pas ? Si ça participe à “faire sa part” pour la planète !
Mieux encore, pourquoi ne pas appliquer la démarche low-tech à un process industriel, à des PME du bâtiment, ou des entreprises de service notamment, qui, jusqu’ici, n’avaient que faire des ressources, des besoins en énergie pour l’exploitation de ses solutions, ou pire encore des déchets générés par ses produits.
Selon l’ADEME « Le qualificatif de low-tech s’applique à une démarche et non pas à son résultat. Ainsi, un objet n’est pas low-tech dans l’absolu, il est plus (ou moins) low-tech qu’une solution alternative répondant au besoin initial. Source Low-Tech Nation
Certains y croient, Philippe Bihouix en tête, ou Arthur Keller en porte-drapeau pour la ville de demain, Maurine Koeberlé (avec lowarchitect) Jihen Jalloulli (en architecture aussi), Guillaume Augais (bureau d’études Ecolowtech) ou Emilien Bournigal (low-tech addict). Et bien d’autres y viennent ou y viendront…
Crédits photos : Low Tech Lab