Ça y est, c’est décidé, vous lancez votre éco-construction. Le rêve sur internet, les livres aux photos inspirantes, ça va un temps. Action ! A vous la réalité, celle de la recherche du terrain ou de la ruine à retaper, des croquis et des discussions jusque tard dans la nuit, celle où l’on passe ses soirées et week-end à penser techniques, matériaux, nombre de pièces…
Reste à choisir comment construire ou retaper. Autoconstruction ou auto rénovation totale ? Partielle ? Avec un, deux, dix artisans ? Des copains, la famille ?
Tâchons ensemble d’y voir plus clair…
Construire soi-même ou faire construire, comment coordonner ses travaux ?
L’autoconstruction complète
Faire soi, de ses mains, à son rythme, avec ses proches et son idéal, autoconstruire sa maison, de plus en plus en rêvent. Une façon de renouer avec l’enfant que l’on fut, celui qui, de branches mortes et de vieux draps se bâtissait une cabane aux vertues bienfaisantes et dessinait à l’envie le foyer de ses rêves, avec des volets en bois, une allée toute en courbes, une cheminée fumante et une mare avec profusion de cygnes de profil, parce que c’est plus simple à dessiner qu’une poule qui ressemble vraiment à une poule.
Souvent, les futurs auto-constructeurs commencent par participer à un chantier chez des voisins, puis deux, puis dix, chez d’autres qui, avant eux, ont osé, histoire de voir s’ils se projettent. Puis ils achètent le bien espéré et décident de tout faire eux-mêmes, de cet instant T jusqu’à la première flambée devant le canapé, parce qu’ils ont toujours bricolé, ont une mère ou un oncle qui leur a tout appris, du temps, la force de l’âge, pas les moyens de faire autrement, des copains qui ont des doigts en or… Sinon, ils se feront aider par les copains des autres, grâce aux chantiers participatifs.
Cependant, le système a ses limites. Pas de professionnel, pas de garantie décennale. Ça peut être un problème en soi ou un problème en cas de revente avant que les 10 années ne soient écoulées. Tout peut aussi très bien se passer. On prend ou on ne prend pas le risque. A chacun de voir…
L’autre risque c’est de se décourager. Beaucoup s’y sont épuisés, de nombreux couples ont explosé, la maison n’a jamais été terminée. Ce n’est pas le cas de tous. D’autres ont réussi. Tous les cas existent mais la réalité est là, construire seul ou juste en couple, c’est compliqué, surtout si le chantier est de taille. Ce n’est pas la même chose de se construire une petite maison de 50m2 et de retaper une ruine de plus de 250 m2 !
Certains le ressentent rapidement et revoient vite leurs ambitions concernant ce qu’ils feront vraiment. Les plans, le permis, l’électricité, l’isolation, les enduits, ok. Pourquoi pas la plomberie. La pose des fenêtres, les lambris, parquet, le bardage ? Peut-être. Le reste ils feront faire par “des artisans du coin”. Cela leur permettra de s’alléger d’autant de responsabilités, de ne faire que “ce qu’ils aiment”. Et aussi de conserver une décennale sur tous les lots confiés, notamment la structure. Tout en conservant le plaisir de faire par eux-même.
La maîtrise d’oeuvre
Une partie de ces auto-constructeurs-là se charge aussi de la maîtrise d’œuvre. Elle demande d’avoir une vue d’ensemble à la fois globale et précise de chaque étape et des détails qu’elle comprend, de savoir la transmettre clairement, de coordonner les artisans, de connaître les matériaux et fournitures à acheter, de savoir où, afin que le budget n’explose pas, d’anticiper les commandes, prévoir les retards, jongler avec les délais, le déroulement des tâches, de s’assurer que les informations circulent, que tout le monde s’est bien compris et de vérifier que chaque étape a été correctement réalisée.
J1 : le terrassier arrive et avec lui, les premières questions techniques. Puis viendront le maçon, le charpentier, le couvreur, les points gouttière, dalle, mur, couverture, isolants, flux… Technique employée ? Caractéristiques des matériaux utilisés, endroit du passage des gaines, des câbles, ça sera où, dessus, dessous ? Réalisé comment, par qui ? L’élec, par le sol ou par le plafond ? La dalle, elle fera quelle épaisseur ? Qui s’occupe des cache-moineaux, le couvreur ou le charpentier ? Quand arrive l’isolant ? Ah mais on fait comment maintenant que c’est refermé ? Vous savez ? Vous ne savez pas ?
Oui c’est du vécu. A la fin, toutes les solutions seront trouvées. Parfois avec un coût en plus, des nerfs en moins, mais aussi de l’expérience acquise, des souvenirs à raconter, la satisfaction de l’avoir fait. Et quelquefois aussi la conscience que si c’était à refaire, on le ferait différemment. Un poste sensible qui permet malgré tout, lorsque l’auto-constructeur s’y sent à l’aise, de vivre au plus près de la création de son lieu.
Un architecte oui ou non ?
Facultatif pour une construction inférieure à 150 m2 et obligatoire dans le reste du temps, arrive la question architecte. Par certains, il est perçu comme la facture de trop. Pour d’autres, c’est la garantie d’avoir un regard professionnel sur l’ensemble de l’œuvre, avec des connaissances à la fois techniques, esthétiques, juridiques, budgétaires, managériales…
Son rôle est non seulement de réaliser les plans, à la fois en termes de conception et de rendu pour le dépôt de permis mais aussi de bien vous accompagner dans vos choix en fonction de vos goûts, besoins, budgets, priorités, grâce à un recul et des connaissances multiples que vous n’avez peut-être pas. Enfin, c’est en général lui aussi qui assure la maîtrise d’œuvre, la sélection et la coordination des artisans dont il connaît les compétences.
Le hic, c’est que tous ne sont pas spécialistes de l’éco-construction et souvent dans ce cas, les artisans avec qui ils ont l’habitude de travailler, ne le sont pas non plus. Et à la longue, ça use et rajoute de la tension de devoir toujours revenir sur ce point. Cependant les esprits s’ouvrent, les écoles d’architecture évoluent et les centres de formations développent des modules de spécialisation. Mais cela prend du temps.
Reste la dernière alternative : la coopérative d’artisans…
Les coopératives d’artisans, qu’est-ce que c’est ?
Comme leur nom l’exprime, ce sont des regroupements d’entrepreneurs artisans d’un même secteur, dans notre cas le BTP. Pour eux, l’intérêt c’est d’être plus forts que s’ils restaient seuls, tout en restant indépendants. La coopérative leur permet de négocier ensemble auprès de fournisseurs, de bénéficier de stocks plus gros et de zones de stockage communes, de mutualiser leurs équipements pour demeurer compétitifs et enfin d’accéder à des marchés complets, en démarchant sous une même enseigne.
Pour le client, la coopérative d’artisans peut être la solution pour contacter en une fois des artisans qui partagent un même état d’esprit, se font confiance les uns les autres et proposent des offres clés en mains regroupant plusieurs métiers complémentaires.
La coopérative d’artisans, comment ça marche ?
La coopérative est une entreprise qui regroupe sous un même nom différentes PME qui toutes, tout en conservant leur autonomie et leur spécificité métier, s’engagent à exercer une partie de leur activité au sein de cette même structure. Gérée démocratiquement, celle-ci leur permet de mutualiser certaines dépenses : démarchage commercial, comptabilité, ressources humaines, assurances, commandes…. Elle leur permet aussi de rompre avec l’isolement de l’entrepreneur solitaire, d’accéder à des relations de solidarité entre artisans et de discuter métier, en s’enrichissant de leurs expériences respectives et de leurs complémentarités. En échange, la coopérative attend d’eux une juste participation aux risques de cette entreprise commune et l’engagement de participer à certains chantiers au nom de la coopérative.
Le plus souvent, les coopératives sont composées d’une équipe opérationnelle qui réunit les différents corps d’états de la profession : maçon, électricien, plaquiste, couvreur ou encore artisans du bois, de la couverture, de la rénovation énergétique, etc., qui peuvent travailler, soit sur des projets communs, coordonnés par la coopérative, soit pour des clients personnels, en dehors de celle-ci.
Pourquoi faire le choix d’une coopérative d’artisans ?
On distingue 3 types de groupements d’artisans, chaque coopérative artisanale pouvant cumuler tout ou partie de ces trois fonctions :
- la coopérative d’achats qui permet à ses membres d’optimiser les conditions d’approvisionnement, que ce soit en termes de prix, de stock ou de délais
- La coopérative de production et services : les artisans peuvent mutualiser leurs investissements, que ce soit pour l’achat d’outils (machines, véhicules, dernières technologies), d’un point de vente ou encore d’un atelier de production.
- la coopérative de commercialisation qui aide les artisans à répondre à des offres de marché de taille supérieure, grâce à des propositions clés en main regroupant plusieurs corps de métiers complémentaires
Les deux premiers cas devraient vous permettre de voir réduire vos dépenses, que ce soit celles qui concernent les matériaux et celles qui touchent aux prestations des artisans. Le troisième est une solution pour alléger votre mission de maîtrise d’œuvre, de simplifier la coordination des plannings et le respect des délais, tous les intervenants de votre chantier travaillant pour une même structure, dans laquelle ils ont les mêmes intérêts. De plus, celle-ci est supposée y encourager communication et entraide entre eux. Cela leur permet de trouver ensemble des solutions en cas de problème, ce qui n’est pas toujours le cas ailleurs. Ça évite le côté “j’interviens au moment où je l’ai prévu, comme j’ai l’habitude de faire, sans me soucier de savoir si et comment mon travail va s’articuler avec celui de l’artisan qui va arriver derrière”. Cela aussi c’est du plus que vu ! Grâce à une meilleure communication entre eux, les étapes sont optimisées par un esprit solidaire. C’est d’ailleurs pour cela que certaines coopératives vous proposent de prendre en charge l’accompagnement du chantier pour toute la partie qui les concernent. Dans les grandes lignes, c’est leur organisation même qui la garantit.
Les limites des coopératives
65% des entreprises associées des coopératives d’artisans appartiennent au secteur du BTP et malheureusement, dans le BTP, la sensibilité et le savoir-faire en éco-construction ne sont pas encore très répandus. Le risque est donc, encore une fois, de vous cogner à des professionnels plus habitués au béton-laine-de-verre-PU qu’à des artisans qui vous parleront chaux, laine de bois et maison passive. Il en existe cependant. Et plus les clients leur demanderont de lâcher leurs anciens réflexes, plus vite l’ensemble du secteur changera. Mais il faut des clients précurseurs, convaincus et tenaces.
La deuxième limite peut parfois se faire sentir dans le manque de vision globale du bâti, selon la composition de la coopérative. Dans le cadre d’une rénovation thermique par exemple, on préconise des experts, formés et particulièrement concernés par ce point. Or, sauf s’il y a un thermicien ou un architecte bien formé et expérimenté au sein de la coopérative, il y aura souvent des limites de compétences pour ce type de prestation. Mais statistiquement, plus la coopérative sera ancienne et organisée, plus vous aurez de chance d’y trouver ce type de compétence, la vision “globale” n’étant pas le fort de notre époque où chacun devient de plus en plus spécialiste de sa tâche et déconnecté des autres. Les “anciens” travaillaient autrement. Sauf exceptions, dans les deux cas. Chaque généralité a ses contre-exemples.
Certes, la coopérative d’artisans n’est pas la panacée. Mais à défaut d’être le remède universel à tous les maux, elle est une réponse pertinente à votre envie de prendre part à votre chantier d’éco-construction, sans vous sentir littéralement écrasé par la charge à la fois mentale et physique qu’un projet complet représente, une sorte de troisième poumon bienvenu !
Crédits Images : Jean-Paul Jandrain, Alexas_Fotos, Ralphs_Fotos, Mark Martins de Pixabay