La démarche low-tech appliquée à la ville s’érige comme une nécessité pour le développement durable. Ce concept a pour objectif de mettre sur pied des solutions technologiques simples, mais performantes, tout en consommant peu de ressources.
Le projet de recherche URBALOTEK va précisément dans ce sens. Son objectif est d’interroger la pertinence d’une traduction de la démarche low-tech appliquée généralement à des dispositifs techniques, à l’échelle urbaine et régionale.
La finalité est de pouvoir répondre à la question suivante : Le concept de ville low-tech apporte-t-il quelque chose de plus au foisonnement de concepts déjà présents dans la pensée urbaine émergente ?
Mobilisant un important état de l’art, ce travail met en évidence, par l’analyse critique, un ensemble de convergences, divergences et interrelations dans les approches urbaines contemporaines. Il distingue pour autant des aspects théoriques et pratiques spécifiques à une approche low-tech des problématiques urbaines.
Cela suppose donc une priorisation des matériaux durables pour le confort thermique provenant d’une production locale. En cas de fin de vie du bâtiment, ces matériaux devront être réutilisables pour d’autres projets. Le but est de définir aussi une économie circulaire qui ne fait pas appel à une énergie de combustion.
Cette recherche aboutit sur une définition possible de la ville low-tech, non comme concept fermé, mais comme produit d’un nouvel urbanisme de discernement, en illustrant ses caractéristiques et ce que pourrait être son fonctionnement intrinsèque.
Le concept de ville low tech vu par Philippe Bihouix
(extrait du projet de recherche « La ville Low Tech »)
Ville sobre, résiliente, frugale, durable, circulaire… pour ne prendre que quelques exemples dans le vocabulaire, de plus en plus pratiqué, d’une nécessaire transition écologique : les praticiens de la ville, les décideurs publics et privés, les citoyens impliqués ne manquent pas de notions auxquelles se référer pour construire ou réparer la ville, la rendre compatible avec les limites planétaires, l’adapter aux enjeux environnementaux et sociaux de demain, si vertigineux.
Dans ce foisonnement, fallait-il alors y ajouter encore un nouveau concept, celui de ville low-tech ? On pourrait légitimement en douter. D’abord parce que le concept de low-tech, même s’il s’ancre dans une histoire des idées et des pratiques déjà ancienne a minima la fin des années 1960. Cependant, on pourrait faire remonter la filiation intellectuelle plus loin…
Même appliqué à des objets simples, la définition n’est pas évidente, dans la mesure où la plupart des objets sont construits avec des matériaux et/ou des composants qui convoquent tout un système hyper industriel et généralement très high tech : un clou, une plaque de tôle, un tissu, même une planche de bois sortent d’usines mécanisées et partiellement automatisées, dont les équipements requièrent eux-mêmes d’autres usines de pointe, etc.
Il est certainement plus prudent de parler de démarche low tech, alliant sobriété à la source, conception la plus simple possible et écologique possible, et discernement dans l’usage des technologies employées.
Ensuite parce que la ville, de prime abord, a bien d’autres chats à fouetter que les low-tech. Devant affronter les changements à venir (reterritorialisation de certaines fonctions productives et logistiques, nouveaux usages et modes de consommation, adaptation au changement climatique…) tout en subissant certains errements tragiques du passé, ne sachant plus bien sur quel pied danser à propos de la densification.
C’est un temps vu comme la solution écologique, celle-ci n’a pas empêché l’étalement urbain et apporte bien d’autres contraintes de métabolisme, de résilience et de mobilité contrainte. On subit alors l’injonction du monde d’avant à la métropolisation, à l’atteinte d’une taille critique dans la compétitivité mondiale, à l’attractivité territoriale, etc., en même temps que la nouvelle nécessité (évidente !) de stopper une artificialisation devenue insoutenable… sans parler des recompositions post crise sanitaire, entre désir de nature (ou de jardin du moins), télétravail et tourisme en berne… n’en jetez plus.
Et pourtant ! Nous avons pris un immense plaisir à décortiquer les concepts, les comparer, les torturer, les projeter, à réfléchir à ce que pourrait impliquer cette idée de ville low-tech, dans son fonctionnement, son organisation, ses choix structurants, ses mécanismes, aux différentes échelles.
Il ne s’agit pas de faire du low tech un nouveau deus ex machina de la pratique urbaine, ayant vocation à remplacer (ou inclure) tous les concepts de durabilité précédents – un peu comme l’économie circulaire a chassé, en son temps, le développement durable. Mais nous avons acquis la conviction qu’une démarche low-tech pourrait être, à l’échelle d’un territoire, fertile en réflexions et initiatives de nature à accélérer la transition et développer la résilience, au service d’un mieux vivre ensemble.
Alors que la smart city semble à la peine sur les questions écologiques – on a pu le constater dans le débat de l’automne 2020 autour du déploiement de la 5G ; quels en sont les bénéfices environnementaux attendus ? Rien n’est moins clair, les low-tech viennent certes offrir un contre-récit à l’inflation de promesses technologiques.
Mais ce récit, nous l’avons constaté, ne s’inscrit pas uniquement en faux, il peut également être porteur d’une immédiate et concrète positivité : sur les questions d’emploi, de rythme de vie, de collaboration entre citoyens, d’autonomie, de résilience, de réparation du monde,…
Construire un imaginaire positif, des récits multiples de la transition, voilà encore une expression très en vogue, notamment depuis la crise sanitaire ; il s’agit bien de ne pas baisser les bras face aux sourdes inquiétudes provoquées par les circonstances du monde qui vient, de ne pas laisser une partie de la jeunesse dans les affres d’un effondrement civilisationnel qui serait inéluctable.
Alors osons la low-tech ! Convainquons le plus grand nombre, dans les territoires, des perspectives fructueuses qui peuvent être engendrées, riches en emploi local, en lien social, en apaisement, en envies.
Ce sera l’enjeu de la prochaine étape des travaux conjoints de l’Institut Paris Région et du groupe AREP, donner à voir et inspirer, pour que la low-tech devienne aussi hype que le smart, le compostage et les toilettes sèches aussi tendance que le tourisme spatial et la conquête de Mars..
Le projet de recherche URBALOTEK – Phase 1
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