Les nouvelles données du changement climatique nous amènent obligatoirement à réduire de manière très conséquente notre consommation d’énergie fossile, en particulier dans le domaine de la construction qui représente 40% de l’énergie totale utilisée dans l’Union Européenne et quasiment le quart des émissions de gaz à effet de serre (GES).
Par le passé l’Union Européenne avait donc émis une directive le 19 mai 2010 visant à améliorer la performance énergétique des bâtiments, ce qui à l’époque était déjà salué comme un grand pas. Cette directive prévoyait la généralisation des constructions « passives » ou productrices d’énergie à l’horizon 2020/2021, avec une obligation pour les bâtiments publics de mettre cette politique en oeuvre dès 2018. Ce texte stipulait que d’ici un quart de siècle, au moins 25% des constructions neuves soient neutres ou positives sur le bilan énergétique de leurs consommations.
Le bilan énergétique d’une construction doit-il s’arrêter à la simple notion de dépense énergétique d’usage ?
Ce nouveau seuil de performance énergétique demandé par les pouvoirs publics nous amène, de facto, à poursuivre une logique cohérente d’intégration de toutes les énergies présentes dans un projet afin d’améliorer sa performance environnementale. Or, si la notion de consommation d’usage est mise en avant (chauffage, eau chaude sanitaire, éclairage, ventilation, climatisation), la prise en compte de l’énergie grise dans la mise en oeuvre du bâti et des matériels embarqués a été, à ce jour, plutôt minimisée.
Il est maintenant incontournable que la politique de la très basse consommation décidée pour les futures règlementations thermiques mette en relief l’importance du facteur énergie grise.
Comme le souligne Alain Maugard (Président de Qualibat) dans une de ses chroniques sur le site Xpair :
« Par le passé pour un logement qui consommait 80 Kg éq CO2/m2.an, il nous fallait 5 années d’exploitation pour couvrir l’énergie grise mise en oeuvre à la construction. Il faut maintenant prendre conscience qu’un bâtiment basse consommation qui ne va nécessiter que 5Kg éq CO2/m2.an pour ses usages va mettre 70 à 80 ans pour compenser ce poste »
Pour fixer un ordre de grandeur, nous savons que la quantité de carbone gris nécessaire à l’élaboration d’une construction est de l’ordre de 300 à 500 Kg éq CO2/m2 pour une maison individuelle, de 300 à 600 Kg éq CO2/m2 pour un petit collectif et de 500 à 800 Kg CO2/m2 pour des bureaux.
Qu’est ce que l’énergie grise de la construction ?
L’ICEB (Institut pour la Conception Ecoresponsable du Bâti – annexe1) propose une définition intégrant deux types d’énergies :
– l’énergie grise non renouvelable appelée énergie procédé (apports d’énergie nécessaire dans le processus de mise en oeuvre pendant le cycle de vie),
– l’énergie grise renouvelable sur toute la durée de vie hors vie oeuvre.
Ce concept est proche de la norme EN 15 978 qui a pour seule différence d’intégrer, en plus, le poste entretien.
Pour schématiser, l’énergie grise est l’énergie « perdue » : c’est la dette énergétique, alors que l’énergie matière (aussi dénommée « feedstock ») est plutôt du stock d’énergie mobilisé de manière temporaire.
L’énergie matière peut être récupérée en fin de vie soit par un recyclage, soit par une valorisation énergétique.
Ci-dessous, un exemple de comparaison entre une charpente acier et une charpente bois lamellé-collé à partir des FDES (fiches de déclaration environnementale et sanitaires) sur 100 ans :
(Source : AILTIER AMO HQE)
Cette comparaison nous montre que, si l’énergie primaire totale de la charpente métallique est plus intéressante, nous constatons par contre que son bilan procédé donc de l’énergie « perdue » est très défavorable au regard de la structure bois qui nous permet de faire une économie de 46% d’énergie grise au sens de la définition de l’ICEB.
Quelles sont les options pour réduire la part de l’énergie grise ?
Les axes principaux d’amélioration se dessinent à plusieurs stades :
- à l’échelle de la programmation architecturale par une mise en oeuvre de mixité fonctionnelle, du choix d’un site adapté, d’optimisation de l’architecture par la compacité et la simplicité
- nous pouvons agir en amont sur l’optimisation des usages en les mettant en phase avec les occupants (concertation , simulation thermique dynamique)
- au niveau du bâtiment, nous devrons nous attacher à mettre en oeuvre des matériaux à qualité équivalente les moins énergétivores en nous appuyant sur une ACV (analyse de cycle de vie) la plus fine possible et ce, poste par poste ;
- au niveau du chantier, nous devons appliquer la même approche analytique pour réaliser des économies d’eau, de carburant et privilégier les ressources proches, la gestion des déchets, le déplacement durable du personnel…
- au stade de l’exploitation, nous pouvons réduire l’énergie grise au travers des divers postes maintenance, entretien, renouvellement des équipements, sobriété, information de bonnes pratiques pour les usagers…
gérer la fin de vie du projet de la manière la plus optimale possible, en pensant à la réutilisation sur place ou dans un secteur proche, au recyclage, à la valorisation énergétique.
Une nouvelle vision de l’énergétique de la construction se met en marche !
Le 18 février 2016, l’association pour le développement du bas carbone (BBCA), le centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) et son organisme certificateur CERTIVEA ont présenté le premier label Bas Carbone.
Jean Christophe Visier (Directeur pôle énergie au CSTB) nous précise que :
« Ce label est basé sur des méthodes scientifiques (ACV par exemple) qui ont conduit à élaborer le référentiel BBCA (voir annexes 2 et 3) qui s’appuie sur les travaux collectifs de la filière et de l’Etat (en particulier HQE performance) ».
Mme Ségolène Royal avait également salué la mise en place de ce label qui contribue, selon ses mots, « à la réalisation de bâtiments exemplaires qui participeront à la mise en oeuvre des objectifs de la transition énergétique pour la croissance verte et à la poursuite des engagements des Accords de Paris sur le climat adoptés à la COP 21 ».
La RE 2020 (réglementation environnementale)
Se présente à nous très bientôt, elle va reprendre cette base à travers son volet carbone C- dans la construction neuve, êtes-vous prêt ? Commencez-vous à anticiper ? Avez-vous le bon conseil ?
Crédit Photo Une : antonzolo, Pixabay
Très bel article qui met en évidence que le point le plus important n’est pas l’exploitation mais la réalisation.
Ceci est vrai à tous les niveaux, non seulement pou les matériaux d’œuvre mais aussi pour les systèmes.
Nous complexifions à plaisir ces derniers pour atteindre des consommations minimales record à l’exploitation, mais quid de l’équilibre global des deux bilans, construction et exploitation ?
De nombreux équipements, du fait de leur sophistication, ont ou auront des durées de vie de moins de 30 ans alors que leur amortissement CO2 se situerait plus au-delà de 50 ans… Ça laisse pantois d’incohérence !