Lorsque l’on évoque le photovoltaïque, on ne peut s’empêcher de penser à ses dérives. En effet, pendant de nombreuses années, la filière a souffert de multiples arnaques à l’installation de panneaux solaires. Montants pratiqués exorbitants, fausses promesses, installations de piètre qualité sont autant d’éléments qui ont failli signer la fin du photovoltaïque. Aujourd’hui, la filière se structure et est en croissance, il faut cependant rester vigilant car l’éco délinquance peut encore exister. Explications.
Pourquoi les aides à la transition énergétique ?
Le premier arrêté tarifaire d’EDF
Avant 2002, installer des panneaux solaires sur son toit était l’affaire de quelques avant-gardistes isolés. Cela coûtait un peu cher et ce n’était pas vraiment encadré, la première installation raccordée au réseau datant de 1992. Les choses ont commencé à changer à partir de l’arrêté du 13 mars 2002.
On a alors vu apparaître le tout premier arrêté tarifaire qui obligeait EDF à acheter plus cher l’électricité photovoltaïque au détenteurs de panneaux solaires (EDF OA Solaire). Ces tarifs étaient bien plus élevés que le prix de vente de l’électricité par EDF.
On a ainsi observé en 2009 que les tarifs d’achats (qui sont indexés sur l’inflation et ont connu une forte variation avec la crise de 2008), ont atteint plus de 60 cts €/kWh. À titre d’exemple, le kWh du réseau était à l’époque payé par les consommateurs aux alentours de 10 cts €.
L’intérêt de la démarche
Cela peut sembler étrange qu’EDF paye très cher cette électricité. Néanmoins, cela est bien réfléchi ! C’est une démarche du gouvernement français pour développer la filière du photovoltaïque. Il faut garder en tête qu’à l’époque, les coûts du photovoltaïque sont bien plus élevés qu’aujourd’hui (environ trois fois plus cher).
Sans ces tarifs d’achat, il aurait été impossible de rentabiliser les installations photovoltaïques en autoconsommant. L’aspect économique est un facteur très important pour les particuliers qui souhaitent investir dans des panneaux solaires c’est pour cela que ce bonus imposé par l’État favorise la filière du photovoltaïque.
En effet c’est un cercle vertueux puisque plus les gens installent des panneaux photovoltaïques, plus le reste de la chaîne (installateurs, distributeurs, grossistes, fabricants, transporteurs, recycleurs…) bénéficient d’une baisse de leurs coûts par effet d’échelle. Ce qui donne au final des prix d’installation à l’achat en baisse, ce qui va faire prospérer la filière photovoltaïque.
Le détournement des aides et son impact sur la filière du photovoltaïque
Des taxes pour aider la filière photovoltaïque
C’était prévisible, l’instauration des aides au photovoltaïque ont permis le développement de la filière qui a ainsi connu un succès resplendissant en 2009. On a ainsi constaté que les installations se finançaient très bien et permettaient d’avoir des revenus conséquents chaque année.
Cela grâce à EDF Obligation d’achat Solaire, directement financé par la taxe Contribution au service public de l’électricité (CSPE). Cette taxe, qui est apparue en même temps que le premier arrêté tarifaire d’EDF en 2002 n’a cessé d’alourdir la facture d’électricité des français.
Le saviez-vous ?
La CSPE pèse environ 16% de la facture moyenne d’électricité des ménages (données 2016), à son apparition, elle comptait pour 0,3 cts/ kWh, aujourd’hui elle est de 2,25 cts/ kWh ce qui représente une augmentation de 650%.
La CSPE est collectée par les fournisseurs d’énergie qui la reversent ensuite à la Douane. Le montant est clairement affiché sur votre facture d’électricité. 39% de cette taxe est dédiée aux subventions du photovoltaïque.
Les arnaques au solaire, ou l’essor de l’éco délinquance
En plus de l’Obligation d’achat solaire, plusieurs aides de l’État ont été mises en place afin de financer la transition énergétique des français. Ces aides ont attiré beaucoup d’installateurs dont certains étaient peu scrupuleux.
Des “margoulins”, comme aiment à les appeler les personnes du milieu ont envahi le marché. Plusieurs arnaques sont alors apparues :
- Fausses promesses commerciales
- Installations réalisées (ou pas d’ailleurs) sans aucune compétence
- Mise en faillite des entreprises par la suite
Le photovoltaïque français était alors devenu un véritable cauchemar. Plusieurs aides en particulier ont favorisé la multiplication des arnaques : le Crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) et un tarif d’achat bonifié pour l’intégré au bâti.
En effet, l’intégré au bâti signifie la pose de panneaux solaires à la place de l’élément de couverture du toit. Cette obligation, qui était dans l’esprit des dirigeants français l’occasion de développer un savoir faire esthétique à la française est en réalité une absurdité technique (les panneaux produisant moins par effet Joule car moins ventilés) sur laquelle les pouvoirs publics sont revenus depuis.
Cette opération très délicate à mener peut affecter l’étanchéité de la toiture. Sans compétence de couvreur, les “margoulins” ont créé des installations de piètre qualité sur les toits des personnes entraînant des fuites d’eaux et des problèmes électriques pouvant parfois conduire jusqu’à l’incendie…
Quant au CITE (supprimé en 2014 pour le photovoltaïque), ce dernier était un argument mis en avant par les installateurs pour vendre à la pelle des installations. Ces derniers mentaient sur le potentiel et sur le montant du CITE.
Des particuliers mal informés
Un autre élément a favorisé les arnaques aux panneaux solaires : la méconnaissance des particuliers sur le sujet. En effet cela a permis aux installateurs peu scrupuleux de bien s’installer sur le marché du photovoltaïque (mais il en a été de même sur d’autres secteurs comme l’éolien par exemple).
Face à ces dérives dans le secteur du photovoltaïque et aux sommes astronomiques liées au tarif d’achat, le gouvernement (et particulièrement la ministre de l’écologie alors en poste, Nathalie Kosciusko-Morizet), est mis au pied du mur. C’est le moment du moratoire sur le solaire qui va durer plusieurs mois.
Le secteur a été mis sur pause de manière forcée puisque le tarif d’achat a disparu. La filière du solaire qui était alors en développement rapide s’effondre. Il n’y a plus de travail possible pour les travailleurs du photovoltaïque. Les escrocs mettent la clé sous la porte ainsi que les bons installateurs.
Et aujourd’hui ?
Le secteur du photovoltaïque se structure
On constate aujourd’hui que l’équilibre dans le secteur solaire est plus ou moins revenu.
Les tarifs d’achat ont été remis à l’ordre du jour depuis le moratoire en effectuant une baisse du montant suivant le nombre de raccordements demandés au trimestre précédent.
Les tarifs d’achats dans le photovoltaïque ont eu la côte jusqu’en 2017 date à laquelle un arrêté tarifaire a légiféré l’autoconsommation individuelle en France pour les installations de taille résidentielle.
L’autoconsommation prend son envol
Différentes mesures du gouvernement ont tout naturellement favorisé l’autoconsommation. En effet, il est devenu plus intéressant de consommer une partie de sa production solaire et d’en vendre le surplus que de vendre la totalité de sa production (ce qui était la démarche courante par le passé). Cela grâce aux différents tarifs d’achat selon que vous choisissez la vente totale ou l’autoconsommation avec vente du surplus.
L’autoconsommation est donc plus rentable que la vente totale sur le réseau car le tarif d’achat est moins élevé que le tarif de vente selon le principe de la parité réseau.
La parité réseau est la situation dans laquelle le coût du kWh produit en autoconsommation est égal au coût du kWh acheté sur le réseau. Nous y sommes arrivés aujourd’hui en France sur la plupart des installations, avec des variations selon l’ensoleillement local, puisque le prix des installations de panneaux solaires a fortement baissé ces dernières années, en parallèle de la hausse constante du prix de l’électricité. .
La filière photovoltaïque est-elle plus saine pour autant ?
On constate aujourd’hui que la filière du solaire est plus saine qu’avant, mais il reste encore quelques installateurs frauduleux ! Le problème a été un peu déplacé, on remarque des arnaques sur l’aérovoltaïque aujourd’hui. Cela, parce que le grand public connaît mal cette nouvelle technologie solaire.
L’aérovoltaïque consiste à ventiler la chaleur accumulé derrière les panneaux photovoltaïques pour l’utiliser comme source d’appoint de chaleur dans une maison. Il existe par ailleurs plusieurs vices de formes où certains installateurs (dans les foires par exemple) proposent des documents à signer pour savoir s’ils sont éligibles pour des panneaux solaires à 100% auto financés en aides et primes.
Or, cela se révèle souvent faux puisque ces derniers vous font en réalité signer un devis à 30k€ financés par un crédit à 6% ou plus pour des mensualités à 300 € sur 12ans. Pour rappel, sur les foires, vous ne pouvez pas vous rétracter. Cela semble gros comme ça mais beaucoup de personnes se font avoir.
Pour résumer, beaucoup d’arnaques ont été répertoriées par le passé sur les panneaux solaires. Le moratoire sur le photovoltaïque a permis de faire un peu le tri parmi les installateurs et les tarifs d’achat ont encouragé les particuliers à se lancer dans l’énergie solaire.
Néanmoins des arnaques peuvent exister et les pouvoirs publics ne font pas grand chose sur le sujet. En effet, pour les institutions, il est interdit de se prononcer sur les “prix honnêtes” du marché. Concrètement, cela signifie que vendre honnêtement une installation trois fois son prix moyen est autorisé.
D’autre part, la plupart des vices de forme dans le discours commercial ne sont pas prouvables devant un tribunal. Ce sera donc parole contre parole. Les tribunaux n’ont commencé que récemment à engager la responsabilité des sociétés de crédit dans l’affaire.
Que peut-on faire ? S’entourer des meilleurs installateurs sur le marché et vérifier leur qualifications. Plusieurs organismes attribuent des labels de qualité qu’il faut prendre en compte. Mon Panneau Solaire répertorie les meilleurs installateurs de France parmi les certifiés Reconnu Garant de l’Environnement (RGE).
Un gage de qualité qui peut vous éviter bien des déconvenues mais qui n’est pas suffisant en soi aujourd’hui pour juger de la qualité du travail d’un installateur !
Crédits Photos : Pixabay Geralt, Maria Godfrida, Wikipedia
Une réflexion sur “Éco délinquance : la face sombre des aides à la transition énergétique”